Cher Charlie,
Ils ont voulu te faire la peau, ils n’ont pas apprécié ton humour caustique, libertaire, voire carrément salace. Ah ! Enfants de mai 68, on ne se refait pas. Libération des corps, émancipation des esprits ! On fait sauter les verrous, tous les verrous, j’ai dit !
Encore faut-il en avoir de l’humour, de celui qu’on pratique en salle humide. Mais là c’est une autre paire de manches. Il faut dire que tu n’y allais pas avec le dos de la cuillère. Les intégrismes de tout poil, les frigides de l’idéologie, les vieux briscards de la politique, les mercenaires du star-système, tu adorais les épingler. Attention, ne pas confondre, c’est la bêtise que tu épinglais. Tout le monde en a pris pour son grade (33e version profane). Ta « Une » Le dîner de cons en réponse aux censeurs de la pièce de théâtre Golgota picnic, une vraie réussite (2011) ! Et ta Bonne année, bonne quenelle ! Cru 2014… Dieudonné a dû en avoir des congestions… Un régal ! Justement Dieudonné, parlons-en ; celui qui clame qu’il est humoriste sauf que bizarrement à chaque fois, c’est la haine qui sort de ses tripes. De celle qui monte les individus les uns contre les autres ; de celle, qui renie la République. Ça fait une différence de taille avec toi Charlie. Toi, à ta manière tu voulais faire la lumière dans les esprits au contraire du black out. Je suis Charlie : plus de 3 millions de personnes sont descendues dans la rue, en France, mais aussi à travers le monde, pour toi. Ça fait chaud au cœur, quand même ! De quoi se retourner dans sa tombe. Je ne parle pas de ceux qui se sont réunis pour la belle photo de famille de l’histoire, et qui de retour dans leur pays se sont empressés de te censurer Charlie. Non, je parle des autres, de tous ces autres, anonymes, rassemblés… pour quoi au juste ? La liberté, le rejet de la violence et de toute forme d’obscurantisme, la défense d’un modus vivendi à la française, notre culture érigée sur le respect de l’autre, héritière de l’esprit des Lumières… On a parlé de sursaut républicain. Ouah ! C’est beau. Après l’émotion, le rideau est tombé, on a vu que tout le monde n’était pas Charlie, et on a même entendu qu’au fond, tu l’avais bien cherché ! Malaise. On s’est rendu compte d’une chose : brandir l’étendard de la laïcité ne suffit pas, pas plus que se réfugier derrière les grands principes. C’est la guerre alors ? Mais contre qui ? Contre quoi ? Et pourquoi en est-on arrivé là ? Comprendre et agir. Cabu, Charb, Tignous, Wolinsky, Honoré, Maris et les autres… On aimerait bien que vous ne soyez pas tombés pour rien.