Culture

La sélection littéraire du n°103

Essai
Introduction à la philosophie politique 
De Jonathan Wolff 
Éditions Eliott
350 pages — 21 euros

Ce passionnant livre, publié pour la première fois en Grande-Bretagne en 1996, paraît aujourd’hui en français. Une « introduction » ? Bien plus que cela…
L’ouvrage a connu à ce jour quatre rééditions. Pour chacune d’entre elles, l’auteur a revu son texte, tenant aussi compte de certaines remarques, voire critiques reçues au fil des ans. L’actualisant aussi. On le voit au détour du chapitre III, intitulé « Qui doit gouverner ? », Wolff a intégré une nouvelle section : « Les nouveaux modèles de démocratie ». Ailleurs il a introduit des thèmes qui pouvaient paraître périphériques en 1996 : orientation sexuelle, changement climatique, multiculturalisme, etc. Il y consacre de nombreux développements, et s’intéresse aussi à la question de la liberté, à celles de la démocratie, de l’État, du pouvoir politique. Le chapitre VI, « La justice pour tous, partout ? » ouvre de vastes champs de réflexion sur certains des problèmes auxquels le monde est confronté aujourd’hui : justice et race, assimilation, discrimination positive, les cinq pages qu’il consacre à cette question sont éclairantes. 
Chaque chapitre se termine par des conseils de lecture et par une conclusion qui synthétise ce qui précède, et nous incite surtout à aller plus loin dans nos réflexions. Le tout sans jargonner, dans un style limpide et clair : c’est la marque de l’auteur.
Un livre nécessaire, à l’heure où le débat public est fragilisé, ce qui constitue un grave danger. Denis Lefebvre

Essai
Marianne
De Philippe Foussier
Éditions Dervy
80 pages — 12,90 euros 

Le quatrième titre de la nouvelle collection dirigée par Pierre Mollier, « Les symboles de notre histoire », nous parle de Marianne, de son histoire, de ce qu’elle représente, symbolise. Philippe Foussier s’intéresse depuis de longues décennies à la tradition républicaine et à ses représentations. Il devait rencontrer Marianne. C’est fait. Son livre est divisé en deux parties. La première constitue un « survol historique de près de 230 ans ». Un survol engagé, militant, Marianne le mérite bien. Marianne… une femme, et Foussier ne manque pas de s’y attarder. Nous comprenons dès les premières pages qu’elle symbolise la multitude, « qui renvoie au peuple dans son ensemble », donc contribue à rejeter le pouvoir personnel. Elle vit dans la République, avec la République, pour la République.
La seconde est centrée sur le visuel. Du premier sceau de la République à la Marianne taguée de C215 en 2024, en passant par la Marianne noire en 1848 et celle de 2018 dite des Gilets jaunes, en réalité la photo de cinq femmes au bonnet phrygien et seins nus face à des gendarmes figés, une photo saisissante. Sans oublier la Marianne maçonnique du XIXe siècle, due à Paul Lecreux, dit Jacques France. Étonnante collection de documents, qui nous la montre tantôt guerrière, conduisant les troupes au combat ou tenant dans une main un fusil, tantôt nourricière, donnant le sein à deux enfants et tenant dans une main un drapeau tricolore, tantôt piétinant une couronne et un sceptre, tantôt écrasant le nazisme. Chaque illustration est commentée par Philippe Foussier, et remise dans son contexte. Un petit livre, un titre sans fioritures… et pourtant un grand livre que celui-là. Denis Lefebvre

Essai
Les temps nouveaux. En finir avec la nostalgie des Trente Glorieuses
Collectif d’auteurs, direction Vincent Martigny
Éditions du Seuil
256 pages — 21 euros

Les « Trente Glorieuses » font figure de mythe. Durant cette période, de 1946 à 1975, la France et la grande majorité des pays développés ont connu une croissance économique et une augmentation du niveau de vie sans précédent. Alors, on comprend que cela puisse encore faire rêver aujourd’hui et qu’une certaine nostalgie s’empare des esprits à l’évocation de ce « fantôme bienveillant d’une époque où tout paraissait simple. » Mais, comme le souligne le politologue Vincent Martigny, ce mythe nous empêche d’aller de l’avant et de construire la société de demain, car il repose sur un modèle devenu obsolète. Productivisme à outrance, apologie du consumérisme, exploitation sans réserve des ressources, ignorance des questions écologiques et environnementales… À l’ère du monde durable, ces références ne cadrent plus avec nos priorités. Et c’est plutôt une bonne nouvelle ! Autour d’un collectif d’auteurs, Les temps nouveaux se veut une invitation à appréhender le présent tel qu’il est en donnant les moyens de penser demain autrement. Une approche qui se décline au fil des pages en abordant des thématiques aussi variées que le rapport à la science et au progrès, la famille, le droit des femmes, la sexualité, la croissance, les mouvements sociaux ou encore la diversité ethno-culturelle. Un ouvrage revigorant et stimulant pour tous ceux qui cherchent à « améliorer l’Homme et la société ».

Essai
Loges et francs-maçons. Castres, Sorrèze, Puylaurens, Graulhet de 1744 à nos jours
De Jacques Escande, Étienne Fonrose et Patrick Moron
420 pages — 28 euros

Cet ouvrage nous offre une étude approfondie et passionnante sur les loges qui, depuis près de trois siècles, ont imprégné le sud du département du Tarn, et ne néglige pas, on s’en félicite, les périodes les plus contemporaines.
« Imprégné » est le mot qui convient parfaitement, tant nous comprenons au fil des pages combien ces loges ont été partie prenante du vécu de cette région, tant par l’action qu’elles ont menée que par la personnalité des frères qui s’y sont investis d’année en année : ils ont su répandre à l’extérieur les vérités qu’ils avaient pu acquérir à l’intérieur de leurs temples, par exemple dans les domaines éducatif et social. Les portraits abondent, et font sortir des oubliettes de l’histoire des personnalités attachantes.
De nombreuses loges sont décrites dans leur vie quotidienne, avec leurs difficultés souvent, qui entrainent ici ou là des mises en sommeil ou des disparitions définitives, parfois par décision de l’administration, car jugées trop dangereuses politiquement. C’est le cas de L’Harmonie universelle, au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851. Confrontées aussi aux problèmes de l’heure (l’affaire Sirven, qui est ici parfaitement expliquée) et l’antimaçonnisme n’est jamais loin, comme ailleurs. Pas davantage que les questions qui animent certaines périodes ainsi, pour l’entre-deux-guerres, la question du pacifisme. Nous voyons aussi ces loges vivre avec les rites qu’elles pratiquent, comme un temps le Rite écossais philosophique. 
Outre l’intérêt qu’elles présentent pour l’histoire de ce département, ces pages, nourries de nombreuses et belles illustrations, nourriront à n’en pas douter les études nationales sur l’histoire de la franc-maçonnerie. Noëlle Delomel

Et aussi…

Salomon, le roi, le sage, le bâtisseur
N° 133, décembre 2024 des Cahiers Villard de Honnecourt
Revue de la Grande Loge Nationale Française

Masonica
N° 55, décembre 2024
Revue du groupe de recherche Alpina

Les Rituels de la franc-maçonnerie anglaise expliqués aux Français
De Julian Rees
Cépaduès éditions 

Les cahiers de République universelle
N° 5, 2024
Éditions Matériologiques

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