FM Mag : Comment faire en sorte que les Français aiment la France sans haïr les autres et sans tomber dans le nationalisme borné ?
Guylain Chevrier : Il faut sans aucun doute faire retour sur ce que nous mettons en commun pour faire société et qui se trouve finalement contenu dans les principes républicains qui organisent notre vie de chaque jour, sans même que nous nous en apercevions toujours. Le principe de laïcité qui porte au-dessus des différences, particularismes et religions, le bien commun, c’est-à-dire, le politique, la démocratie, la citoyenneté, nos droits économiques et sociaux, doit faire retour en grand dans les références communes qui doivent être celles de tous les membres de notre société, Français et étrangers. Car la laïcité comme principe commun ce n’est pas simplement la séparation des Eglises et de l’État et donc la constitution d’un État laïque, mais un modèle politique qui traduit le principe d’égalité dans l’ensemble des rapports sociaux entre les individus. C’est un principe de droit inscrit dès l’Article premier de notre Constitution à travers l’affirmation d’une République indivisible. On a trop longtemps laissé penser qu’il était normal de faire passer ses valeurs religieuses avant celles de la société dans des populations souvent en difficulté d’intégration. On a laissé s’installer l’idée que ces populations seraient discriminées volontairement dans ce contexte, rabattant ainsi des difficultés économiques et sociales sur le versant des discriminations, avec une victimisation qui a été un effet d’aubaine pour ceux qui en embuscade fond de la religion un instrument d’enfermement communautaire tourné contre la République.
Il faut un message clair sur ce qu’elle est pour faire aimer la République, que ce soit du côté de la diversité de notre société bien plus composite qu’elle ne l’était il y a trente ans, mais aussi du côté de ces Français qui s’égarent vers un FN en situation d’opérer un véritable holdup sur nos valeurs collectives pour piéger la colère en la transformant en rejet de l’autre. La diversité ne saurait conduire à un droit à la différence aboutissant à la différence de droits. Il faut voir que la laïcité, à nous faire nous considérer comme des égaux d’abord, nous permet de nous mélanger au lieu de nous séparer en communautés comme c’est le cas des pays qui appliquent le principe de non-discrimination à la place du principe d’égalité et le multiculturalisme juridique avec la discrimination positive. Nous sommes le pays au plus grand nombre de couples mixtes, français-étrangers, 27 %, 4 % aux États-Unis.
FM MAG : L’indifférence spirituelle dominante — à ne pas confondre avec la laïcité qui est un principe de droit — n’est-elle pas, du moins en partie, cause du désintérêt pour les questions de morale en général et de morale civique en particulier ? Faut-il resacraliser les idéaux républicains ?
GC : Il faut leur redonner leur sens par la cohérence qui est la leur, comme véritable projet de société humaniste. Où existe-il ailleurs qu’en France l’équivalent de l’Aide médicale d’État, dispositif qui permet à un migrant en situation irréguliÃ