L’époque classique (« le Grand Siècle ») fut celle des libertins ; le libertinage caractériserait plutôt le Siècle des Lumières. Du moins dans la tradition scolaire. Gassendi passe pour un philosophe libertin quand il s’oppose à Descartes et réactive la tradition matérialiste ; mais ne sont pas moins libertins des poètes tels Théophile de Viau ou Saint-Evremond qui développent un naturalisme épicurien. Comment passe-t-on, ensuite, de Molière et de La Fontaine, à Bayle qui soutient qu’une société d’athées est possible ? Puis à Diderot, et, plus avant, à Crébillon, Choderlos de Laclos, Rétif de la Bretonne, au Marquis de Sade ? D’ailleurs au dix-huitième siècle, l’on parlera plus volontiers de Philosophes, réservant le terme de libertinage ou de libertins aux romanciers et aux poètes. Mais Diderot fut les deux à la fois, comme Sade d’ailleurs, qui, peut-être, fut moins l’un que l’autre : de Bastille en Bicêtre, les chemins étaient partagés.
Les libertins, contre les bonnes mœurs ?
On voit toute la difficulté qu’enveloppe la catégorie du libertinage et l’ambigüité d’un mot qui peut désigner tout et son contraire. Libertin vient du latin libertinus qui signifie affranchi. L’origine semble avoir été une synagogue composée de fils d’affranchis, libertini ; cette synagogue était comptée parmi les synagogues formées d’étrangers. L’on notera le glissement de sens qui des affranchis, nous conduit à leurs rejetons, puis aux étrangers et finalement aux Juifs « rebelles aux croyances »