Du roseau pensant de Pascal au cogito de Descartes, de la liberté de jugement comme « citadelle intérieure » selon le stoïcien Marc-Aurèle à la liberté de conscience qui coûta si cher au Chevalier de la Barre, mis à mort pour ne pas avoir salué une procession religieuse, de l’audace de la pensée libre qui ose se servir de la raison pour refuser toute servilité intérieure à la devise en forme de principe « Ni Dieu ni maître », la notion de libre pensée semble recouvrir une évidence : une pensée authentique, digne de ce nom, ne peut être que libre. Que serait une pensée qui s’imposerait à moi, toute faite, et ne correspondrait nullement à ce dont je pourrais rendre compte, à ce que je pourrais affirmer en toute conscience comme mien ? Tout, sauf une pensée. Or la pensée est le propre de l'homme, de tout homme, même si des circonstances et des aliénations engendrées par les rapports sociaux ne permettent pas toujours aux êtres humains de cultiver leurs potentialités et de faire advenir en eux la liberté de penser, ou la pensée libre par essence. Mais il s'agit alors d'empêchements réversibles, dont les effets provisoires ne permettent nullement d'affirmer que la pensée libre n'est pas inscrite en tout être humain. La pensée désigne à la fois le mouvement de réflexion intérieure et l'affirmation à laquelle il aboutit. Elle définit plus que toute autre caractéristique la propriété essentielle de l'être humain. Pascal disait même qu'elle est toute sa dignité. L'homme n'est qu'un roseau, mais un roseau pensant. Fragilité et force. Finitude et grandeur.
Sens d'une notion en forme d'évidence
Une pensée dont l’auteur ne peut s’adonner librement au mouvement de la réflexion qui l’engendre, ni choisir ce qu’il pense, ne saurait être une véritable pensée. C’est une opinion toute faite, une croyance inculquée, un préjugé : ce qui est jugé avant d’être jugé… On voit bien ici qu’à vouloir détacher la pensée de la liberté on appréhende tout autre chose que la pensée. D’où l’idée que la pensée est par excellence la liberté en acte de la conscience humaine. En ce sens, penser c’est dir