Les Lumières découvrent l’existence de l’autre dans les lointaines colonies et inventent le terme de « race », sans aucune connotation péjorative a priori. Cependant cette notion en cache une autre, celle de racisme, qui s’insinue sournoisement sous la plume de scientifiques aussi prestigieux que Buffon et Linné. En la matière, les Lumières furent capables du meilleur comme du pire. Objectivement le meilleur l’emporta sans doute, avec les premiers anti-esclavagistes, ancêtres des abolitionnistes du XIXe siècle. À trop vouloir remettre en cause cette évidence, on tombe parfois dans la caricature, on ne retient de Montesquieu et de Voltaire que leurs accointances, certes des plus fâcheuses, avec des compagnies qui pratiquaient la traite, mais en oubliant leurs écrits anti-esclavagistes qui ont marqué des générations de lecteurs : « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir […] Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens… » écrit Montesquieu avec une ironie mordante (Esprit des Lois, XV, V, 1748), ou encore « C’est à ce prix que vous mangez du sucre », dit le nègre de Suriname (Voltaire, Candide, 1759). On pourrait dire des francs-maçons la même chose que des Lumières : ils se répartirent dans les deux camps, les uns furent abolitionnistes, les autres négriers ou planteurs et cela se vérifie à la fois en France et en Angleterre.
L’abolition de l’esclavage - La victoire des humanistes
Publié le 21 Mai 2014
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