En droit comme en politique, en science comme en morale, l’idée qu’une exigence puisse être formulée au nom de toute l’humanité est essentielle pour la légitimer. Que vaudrait en effet une exigence qui relèverait d’intérêts particuliers, de circonstances relatives au lieu ou à l’époque, de préjugés idéologiques ou de préférences subjectives ? De fait, pouvoir se situer d’un point de vue universel et non particulier procure un fondement incontestable aux idées que l’on avance. Le cas limite d’un tel constat est celui de la vérité scientifique. Dès lors qu’elle est établie et reconnue comme telle, elle vaut universellement. La terre tourne autour du soleil : Copernic puis Galilée l’ont affirmé de façon incontestable, n’en déplaise à l’Église de l’époque, qui croyait pouvoir s’autoriser de la Bible (le Livre de Josué) pour le nier. Pascal le souligne ironiquement dans la dix-huitième Lettre Provinciale en s’adressant aux religieux qui censurèrent Galilée : « Ce fut aussi en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome, qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la Terre. Ce ne sera pas cela qui prouvera qu’elle demeure en repos ; et si l’on avait des observations constantes qui prouvassent que c’est elle qui tourne, tous les hommes ensemble ne l’empêcheraient pas de tourner, et ne s’empêcheraient pas de tourner aussi avec elle ». Cela ne veut pas dire que la théorie scientifique dans laquelle s’inscrit une vérité ne peut plus s’enrichir ni progresser ; mais un tel processus n’altère en rien la vérité en question. Tout au plus la situe-t-elle dans un ensemble plus vaste, comme Einstein le fit pour Newton. Le domaine de la science est par excellence celui des vérités universelles. Quand il s’agit de dire ce qui est, nulle autre solution que le vrai ou le faux n’existe.
Qu’en est-il du domaine des principes éthiques et politiques, des droits déclarés universels ? On se réfère alors à ce qui doit être, aux normes et aux principes de la vie commune. Et le débat est moins simple.