Les francs-maçons, trop souvent cibles de mauvaises rumeurs voire d’agressions, ont largement contribué depuis deux siècles à construire une République fondée sur l’humanisme, c’est-à-dire sur le respect de la dignité humaine. L’élection présidentielle constitue l’événement majeur de la démocratie française, mais aussi le moment où chaque citoyen s’interroge sur sa place au sein de la République. Se pose alors la question de la dignité, celle du respect et de la raison en ces heures où les passions se déchaînent parfois avec violence. Tel est l’enjeu.
La campagne électorale du premier tour a fait la part belle aux coups bas, aux rumeurs, à la violence et à la démagogie. Confrontée aux trois périls majeurs que sont le totalitarisme islamiste sanglant illustré par la mort aux Champs d’honneur d’un jeune policier, les inégalités brutales et l’accroissement de la pauvreté, notre République avait besoin d’un véritable débat et en fut largement privée par de multiples incidents polluant toutes les discussions. Inutile de rappeler ici ces incidents. En revanche il est utile de souligner que la confrontation des idées ne signifie pas d’accepter un débat fondé sur des instincts idéologiques archaïques et inhumains. Le respect de la dignité humaine est supérieur à tout intérêt économique et social. Trop de candidats ont fait référence à des théories d’enfermement sur soi et de rejet de l’autre. Briser l'Union européenne, élever mille tracas sinon un mur pour protéger les frontières nationales, accuser les immigrés de mille maux dont évidemment celui de créer le chômage, nier la détresse des réfugiés de pays ravagés par la guerre et la famine, occulter le défi écologique de survie de l'espèce humaine... Autant de théories qui ont pu séduire beaucoup (trop) de Français.
En espérant que le candidat élu au second tour soit un Président de la République qui sache placer l’humain au centre du cercle, il restera des traces profondes de cette période de six mois de démagogie, de vide et d’insultes. Nous francs-maçons, engagés derrière tel ou tel candidat, nous avons tenté de faire respecter les valeurs fondamentales qui nous unissent. Je ne peux, en écrivant ces lignes, que regretter
tristement d’avoir vu des francs-maçons actuels et passés aux côtés de la candidate marine. À ce propos, j’ai été stupéfait de constater combien les « grands » candidats allaient tout naturellement sur le terrain du FN au lieu de l’attirer sur leurs terrains. Ainsi, renforçaient-ils l’image d’un parti présidentiable.
À l’heure où j’écris ces lignes (24 avril), les résultats du premier tour sont connus. Le séisme annoncé s’est produit. L’affrontement aux forces occultes du FN s’est ouvert dans un champ de colères et d’espoir. Je ne sais le résultat du second tour, mais le choix est clair : jamais le FN ! Tout franc-maçon a pour devoir de refuser la mise en cause de la solidarité, de la laïcité et de la liberté, valeurs qui expriment la dignité reconnue à chaque français et à chaque étranger accueilli en France. Les extrémistes portent le projet du rejet de l’autre, d’une autorité sans pitié et d’une laïcité détournée de son fondement. Nul franc-maçon ne peut et ne devrait adhérer à des thèses qui ont fait le malheur des peuples en Europe et dans le monde. Un franc-maçon fidèle à ses engagements fera toujours le choix des porteurs d’humanisme en refusant de s’abandonner aux mirages nauséabonds du racisme, de l’égoïsme et de l’autoritarisme totalitaire. Du Volume de la Loi sacrée aux lacs d’amour, du zénith au nadir, la voie est tracée pour un franc-maçon : son chantier est celui de sa construction spirituelle dans l’amour de l’autre et celui de travailler à construire le bonheur de l’humanité. Ce chantier réclame en effet le respect de la dignité humaine. Ainsi prennent tout leur sens les mots que nous proclamons avec fierté et volonté : liberté – égalité – fraternité.
Rien n’est plus difficile en ce temps de modernisme échevelé que porter l’idéal franc-maçon dans le tumulte et le brouhaha ambiants. L’élection présidentielle aurait pu être une opportunité de porter ce message. Il n’en fut rien. Même si je salue sincèrement l’initiative de 7 obédiences d’avoir appelé les Français à faire barrage aux extrémismes. La parole maçonnique fut absente. Et j’inclus FM&S dans cette absence. Je n’ignore pas que FM&S, jeune structure, ne recueille encore qu’une audience limitée des médias même maçonniques. Le chemin est long et rude pour faire entendre notre voix aux côtés de celle de groupes à la mode ou qui entretiennent une connivence de longue date. Il reste que même un murmure, comme un caillou jeté dans l’eau, peut faire bouger les gens et les opinions. Certes, je sais que ces mots peuvent être considérés comme seulement des mots, vides de sens et inactifs. Alors, dites-moi, quelle est l’utilité des planches en loge, sont-elles vides de sens et inactives ?
L'élection présidentielle, comme chaque élection, devrait être préparée par les groupes francs-maçons, y compris les fraternelles, pour exprimer et faire entendre, le moment venu, ce que signifie le respect de la dignité humaine dans la civilisation numérique, dans la perspective du transhumanisme et dans la lutte contre tous les totalitarismes, pour le bonheur de l'humanité. Tel notre seul enjeu.