La fraternelle parlementaire, qui rassemble des élus de tous bords réunis en principe par le souci de traduire en politique des idéaux de la franc-maçonnerie, s’est placée sous le patronage de Paul Ramadier, élu socialiste de l’Aveyron et haute figure de la IVe République.
Paul Ramadier (1888-1961) était un élu de terrain, ou plutôt de terroir. Bien que natif de La Rochelle, il adopta, et fut adopté très tôt par la terre rouergate. Un exploit, pour ce jeune socialiste dans un département traditionnellement conservateur et catholique. Comme avant lui Jaurès chez les mineurs de Carmaux, c’est auprès des mineurs de Decazeville que Ramadier se forgea une réputation de combattant pour la justice, à la fois humain, pragmatique, et ne renonçant jamais à l’idéal politique qu’il portait haut en même temps que ceux de la franc-maçonnerie où il avait été initié en 1913 à la loge La Parfaite Union de Rodez avant, plus tard de devenir vénérable de La Nouvelle Cordialité à Villefranche-de-Rouergue..
Alors qu’il était député de l’Aveyron depuis 1928, Paul Ramadier qui avait été sous-secrétaire d’état aux mines dans le gouvernement de Front populaire, refusa avec véhémence de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Tôt engagé dans la Résistance, il se distingua par l’aide apportée aux juifs et fut fait Juste parmi les nations après la guerre. Plusieurs fois ministre sous la IVe république, ce socialiste intransigeant qui fut élu maire de Decazeville en 1944 devint président du conseil en 1947. Il fut alors confronté à des difficultés de tous ordres : dure grève des mineurs soutenue par les communistes, début de la guerre froide, guerre d’Indochine, insurrection de Madagascar. Autant d’évènements, qui ternirent quelque peu l’aura du personnage.
En bon républicain, Ramadier était aussi à l’aise à la tribune de l’assemblée que dans les banquets d’ordre des loges où l’on portait des « santés » en honorant le marcillac, vin de l’Aveyron par excellence, produit dans les environs de Decazeville. Issu du cépage local appelé mansois ou fer servadou, le marcillac rouge ou rosé, devenu Appellation d’origine protégée en 1990, est produit aux environs de Marcillac-Vallon sur un très ancien vignoble introduit il y a plus de 1000 ans sur les terres de l’abbaye de Conques. Celui-ci connut son heure de gloire à la fin du XIXe siècle jusqu’à ce que le phylloxéra puis la disparition des mineurs qu’il abreuvait ne le menacent de mort. Après une timide résurrection dans les années 1970, le marcillac est de nouveau à l’honneur, notamment grâce à l’active coopérative des vignerons du Vallon qui regroupe une trentaine de producteurs. Issu de terroirs d’argile ferrugineuse, c’est un vin quelque peu rustique, mais avec de beaux arômes de cassis et de framboise qui accompagne avec justesse les charcuteries et fromages du gourmand pays d’Aveyron.