Culture
Photo : Glénat

Didier Convard : dans l'oeil du Triangle secret Interview

Fort d’une actualité débordante, puisqu’après Hertz, il vient de publier Neige et Lacrima Christi, nouvel opus de la série à succès Le triangle secret*, Didier Convard sera l’un des invités phare du salon du livre et de la culture maçonniques de Toulouse les 21 et 22 novembre, et dédié cette année à la jeunesse. Un auteur discret qui au fil de ses scénarios mêlant fiction historique, ésotérisme et franc-maçonnerie propose une vision critique des religions. 

Hélène Cuny : Pensez-vous que la jeunesse soit sensible à la franc-maçonnerie ?
Didier Convard :
Oui, indéniablement. J’en fais le constat lors de séances de dédicaces ou de conférences : de plus en plus de jeunes sont intéressés par le sujet. Depuis 15 ans que parait Le triangle secret, ce public « jeune » s’est élargi. Aujourd’hui, il touche les adolescents, jusqu’aux 30-40 ans. On voit aussi un lectorat de plus en plus féminin : 40 % de mes lecteurs sont des lectrices ! C’est un public très curieux, en attente d’informations.

HC : Qu’est-ce qui les attire dans la franc-maçonnerie, selon vous ?
DC :
Des éléments comme l’ésotérisme, le secret, l’aspect confrérie, renforcés par une dimension romanesque ou chevaleresque suscitent un attrait certain. Dans Hertz, par exemple, j’ai mis en scène Napoléon Bonaparte. C’est une période, riche en évènements, où la franc-maçonnerie s’est développée, bien que sous contrôle et bon nombre de proches de Napoléon furent initiés. Cela donne à comprendre une page d’histoire. Les questions que l’on me pose fréquemment sont liées au secret : y a-t-il un secret en franc-maçonnerie ? Quelles différences existe-t-il entre le rituel maçonnique et le rituel religieux ? Peut-on visiter un temple ? Qu’est-ce qu’on y fait ? Ce phénomène peut s’expliquer : Que ce soit dans le cinéma, la presse ou dans la Bande Dessinée, on trouve une iconographie de plus en plus riche, qui dévoile des éléments de la maçonnerie. On pénètre dans les temples, on fournit des matériaux… Tout cela excite l’imagination, provoque le questionnement.

HC : Revenons au Triangle secret, série dans laquelle vous remettez en question les fondements du christianisme. Quel regard portez-vous sur la religion ?
DC :
Je dissocie la foi de la religion. Pour ma part, j’ai la foi, mais ne pratique pas. La foi me permet de croire en un principe créateur, qui n’est pas encadré par des dogmes, des statuts ou des règles. J’essaye ici de démontrer que toutes les religions sont bâties sur des mensonges, puisqu’elles trouvent leur essence dans des légendes et pseudo-croyances. Qui plus est, ces religions à mon sens portent la responsabilité de la destruction de la foi et font disparaître les valeurs humaines de charité, de tolérance et d’humanisme. On en a la preuve flagrante aujourd’hui. Je pense que les religions sont extrémistes, car violentes. Elles foulent au pied tout ce qui devrait constituer les bases d’une vraie religion : le partage, l’amour de l’autre, le don. Pour le prouver, je suis parti d’une légende qui veut que Jésus soit le frère de Thomas ; j’ai fait en sorte que ce soit Thomas qui meure sur la croix, à la place de Jésus. On aurait donc édifié une religion sur un mensonge. Ajouté à ce scénario, il me semblait intéressant de me servir d’un symbole que l’on retrouve dans toutes les grandes mythologies, c’est celui de la fraternité : le récit d’Abel et Caïn, de Seth et Osiris ou de Jésus et Thomas, illustre toujours le frère trahi par le frère. Mais en trahissant l’autre, on se trahit finalement soi-même. Le thème est là et je l’exprime tout au long de la série.

HC : Pascal Vesin, ex-prêtre et franc-maçon sera également présent à Toulouse pour s’exprimer sur la liberté de conscience. Que vous inspire la décision de l’Église qui l’a excommunié pour appartenance à la franc-maçonnerie ?
DC :
J’ai été choqué et profondément déçu, car je n’imaginais pas que l’Église puisse encore en être à ce stade-là. Ma surprise fut totale. Je pensais que le parcours d’ouverture d’esprit et de tolérance avait été accompli et que l’Église aurait accepté cette situation. J’ai compris qu’au fond elle demeurait extrêmement politique, sectaire, voire rétrograde. Elle n’évolue pas, reste dans un dogme figé, à l’image d’une caisse en béton armé et le discours d’ouverture qu’elle présente n’est finalement que du flan, de la poudre aux yeux. Dès qu’on lui demande de réfléchir sur un sujet qui touche notre société, l’avortement, le mariage pour tous, elle oppose un veto catégorique. On ne lui demande pas d’être d’accord, mais simplement de réfléchir et d’évoluer avec nous, hommes et femmes du XXIe siècle. Il m’apparait que la société est un navire qui vogue sur les flots et l’Église, un gigantesque navire qui reste à quai. Au quai du Moyen Âge. Mais les vérités de l’Église sont ses vérités et non La vérité. Et bien souvent les vérités des religions s’opposent à la science. C’est pour toutes ces raisons que dans Le triangle secret, cette vérité-là, je l’appelle l’infâme mensonge.

HC : la science, justement, se trouve au cœur de Lacrima Christi. Cela nous amène à votre actualité…
DC :
Lacrima Christi est dans la cohérence même du Triangle secret, qui est ce conflit qui oppose deux vérités au sujet du Christ : celle des maçons, et celle de l’Église. Dans Lacrima Christi, l’Église et le monde se retrouvent face à une menace colossale pouvant déclencher l’apocalypse et le seul moyen de prévenir ce cataclysme, c’est que les deux forces ennemies d’hier s’allient pour faire front commun contre le diable. En l’occurrence il s’agit d’un état qui risquerait de déclencher une Troisième Guerre mondiale à l’aide d’une puissante substance mise au point par un alchimiste plusieurs siècles auparavant, à l’époque des Croisades. Mais, je ne vous en dis pas plus… On est là dans des thèmes qui touchent la science et son utilisation. Dans les précédents numéros, j’ai montré ce qu’était la fraternité brisée, et là, je raconte l’histoire de cette fraternité retrouvée pour sauver un bien commun, l’humanité. C’est un message optimiste, et j’aimerais qu’il fasse écho à notre monde d’aujourd’hui. Mais çà, c’est une autre histoire…

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