Culture
Chili con carne. Shutterstock image

En cuisine aussi, certains aliments peuvent s’élever en degrés

Originaire d’Amérique tropicale, le piment – qui est un fruit de forme, de taille et de couleur variable (vert, jaune, orange ou rouge en fonction de l’espèce et de la maturité), à peau charnue pelliculaire et brillante en surface – était connu et cultivé par les Amérindiens avant l’arrivée des Européens sur le Nouveau Continent. C’est Christophe Colomb qui, lors de son premier voyage en 1492, le découvrit à Hispaniola (île abritant aujourd’hui Saint-Domingue et Haïti) sous le nom de « taino d’aji ». Les Espagnols le baptisèrent « pimienta » en raison de sa saveur poivrée, et le diffusèrent en Europe.

Les piments les plus cultivés appartiennent aux espèces Capsicum annuum et Capsicum frutescens L., de la famille des Solanacées. C’est de capsicum que vient le mot capsaïcine, le composé chimique qui indique la force du piment, son degré de piquant, qui se mesure en unités Scoville sur une échelle elle-même baptisée Scoville, du nom de celui qui l’a mise au point, Wilbur L. Scoville (1865-1942). C’est ce composé chimique qui leur confère leur chaleur piquante, qui va de la brûlure plus ou moins tolérable sur la langue à la transpiration du corps et à la douleur des oreilles après en avoir consommé. Mais il faut savoir que la capsaïcine se trouve principalement dans les graines et les côtes internes des piments. Pour calculer l’indice Scoville, on fait tremper un piment séché dans une solution d’eau et de sucre. Le degré de chaleur est alors attribué en fonction de la dilution nécessaire pour que la brûlure ne soit plus perceptible. Il y a ainsi aux Antilles un piment qui s’appelle « sept-bouillons » parce qu’il peut resservir sept fois de suite. On les classe généralement de niveau 0 à niveau 10, voire + 10, les plus petits étant souvent les plus forts. Ils ont des propriétés et vertus médicinales avérées : ils sont antiseptiques, riches en vitamine C, ils stimulent l’appétit, activent la digestion et favorisent la sudation.
En cuisine, on utilise les piments frais, mais plus souvent encore séchés (entiers ou réduits en poudre) ou sous forme de condiments (harissa, tabasco, etc.). Ce sont majoritairement les pays tropicaux et méditerranéens qui les emploient, à des dosages plus ou moins subtils ou corsés. Encore que la Hongrie se distingue également avec sept variétés de paprika dont nous ne connaissons que la plus douce en France. Il en existe même une fumée, tout comme le pimentón en Espagne. On les retrouve aussi dans les cuisines africaine (et pas seulement au Maghreb), indienne, asiatique. Ainsi par exemple le piment de Cayenne (indûment appelé poivre), les piments enragés, les chillies, les piments oiseaux et langues d’oiseaux.
Parmi les recettes les plus emblématiques mondiales, citons le chili con carne latino-américain, le féroce d’avocat créole, la morue à la biscayenne du Pays basque espagnol et le goulash hongrois.
En France, nous cultivons deux sortes de piments au Pays basque : les piments dits d’Anglet qui, encore verts et doux, sont la base de la piperade, fondue de piments que l’on mange avec des œufs et/ou du jambon de Bayonne. Mais qui, rouges et mûrs, aromatisent le pimençon, création apéritive à base de vin blanc d’Alain Darroze, chef basque. Et bien sûr le piment d’Espelette, subtilement fruité qui, bien que cultivé sur 8 communes seulement, a atteint une réputation mondiale et se déguste à toutes les sauces. En saison, il se vend frais en « cordes » et toute l’année, séché, en poudre, en sauce, et même en gelée.
De là, par une comparaison audacieuse, à en déduire qu’en franc-maçonnerie, plus on s’élève en degrés au-delà des trois symboliques (apprenti, compagnon, maître) vers les hauts grades, plus ça chauffe spirituellement, je ne me le permettrai certes pas. Mais tout de même, arriver au 33e, c’est chaud-bouillant.

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