Né le 25 janvier 1759 en Écosse et mort le 21 juillet 1796 à seulement 37 ans, Robert Burns fut un poète romantique, parolier et fermier écossais considéré comme le Scotland’s favourite son (le fils préféré de l’Écosse), son barde, véritable symbole de l’Écosse, car il écrivait aussi bien en scots (langue écossaise) qu’en anglais. Par ses écrits, il joua aussi un rôle politique et influença les mouvements du libéralisme et du socialisme et, initié à la franc-maçonnerie en 1781, il créa rapidement sa propre loge aux idées novatrices.
Influence si prégnante qu’à notre époque encore, en Écosse, Burns est toujours fêté le 25 janvier lors de la Burns Night, sorte de fête nationale. À cette occasion, on l’honore traditionnellement en mangeant du haggis — c’est-à-dire une panse de brebis farcie — plat emblématique de l’Écosse qui a semble-t-il été choisi pour sa popularité, mais aussi parce que Burns en a fait l’éloge dans l’un de ses longs poèmes intitulé Address to the haggis, une véritable ode à ce plat.
Le haggis est un plat de la campagne où, lorsqu’on vivait pratiquement en autarcie, et bien avant le concept du « zéro déchet », on a toujours veillé à ne rien laisser perdre en vertu d’une bonne économie domestique. Cela a incité nos aïeux à cuisiner de bien étranges produits comme les tripes et les boyaux, a priori assez dégoûtants, mais qui, bien récurés — et l’Écosse ne manquait guère d’abondantes rivières, ni pour son whisky ni pour ces nettoyages généralement dévolus aux femmes — ont généré l’art de la charcuterie. Mais si l’on connaît les tripes (les quatre estomacs du bœuf), les andouillettes, les boudins, les saucisses et autres saucissons, faits à partir des boyaux du cochon, du bœuf, du veau, du mouton et même du cheval, on connaît moins la panse de brebis, cet estomac qui est pourtant un contenant très accueillant. Or, en Écosse, l’agneau (dont les fameuses lamb chops et le gigot sauce à la menthe sont des classiques), la brebis et le mouton sont élevés à la fois pour le lait (avec lequel on produit d’excellents fromages), pour la laine (qui fait les beaux pulls en shetland), pour sa viande (sans doute la plus consommée en Grande-Bretagne), mais également pour la graisse de ses rognons, indispensable à n’importe quel pudding ou pie.
Cette panse est traditionnellement farcie d’un hachis de viande de mouton (les morceaux les moins nobles comme la fressure : foie, cœur, poumons), de graisse de rognon, d’oignons, de flocons d’avoine et d’épices, le tout longuement mijoté. Un plat qui tient bien au corps en hiver, d’autant qu’il est impératif de le déguster selon un rituel qui impose d’abord un toast (qui n’est pas sans rappeler les coutumes maçonniques) dans une ambiance très festive où l’humour et les présences féminines sont obligatoires. L’occasion de faire de belles agapes au son de la cornemuse, entrecoupée par les discours d’un orateur désigné. Dans les années 60, l’humoriste Jacques Bodoin a fait de la panse de brebis farcie écossaise un sketch aujourd’hui suranné et qui n’est pas du meilleur goût, mais qui eut son heure de gloire.
J’allais oublier : il est impératif de boire force whisky pendant ce repas, boisson obligée de cette fête. Les mauvaises langues disent que c’est pour mieux faire passer ce plat roboratif que d’aucuns jugent étouffe-chrétien.