Culture

Le maçon mystère Qui suis-je ?

Je suis née à la fin du XIXe siècle à Paris. J’ai passé une enfance dans une extrême pauvreté et souffert d’une profonde mésentente avec ma mère qui tient une boutique de primeurs. 

Mon père est cocher de fiacre. Frappé d’hémiplégie alors que j’ai quatre ans, il a passé le reste de sa vie handicapé. Je suis des études primaires dans un établissement religieux. Après avoir obtenu mon certificat d’études à douze ans, je quitte l’école. Ayant le goût de l’étude, je passe mon temps à la bibliothèque de mon quartier où j’acquiers une solide culture en autodidacte. Adolescente, je fréquente les cercles féministes et anarchistes où je fais la connaissance de Louise Michel.

Avec une volonté d’être indépendante et de réussite chevillée au cœur, j’obtiens à 23 ans mon baccalauréat en candidate libre avec la mention très bien. Ayant obtenu une bourse de la ville de Paris, je choisis de suivre des études médicales et d’anthropologie. À 25 ans, je suis la première femme à passer le concours de l’assistance médicale à Paris.Je deviens ainsi médecin des bureaux de bienfaisance. Je veux concourir à l’internat des asiles d’aliénés, mais l’accès m’en est interdit au prétexte qu’en tant que femme je suis privée de droits politiques. Grâce au soutien du journal La Fronde et à l’appui de Marguerite Durand en 1904, je deviens la première femme interne des asiles psychiatriques de la Seine. En 1905, je fais paraître un article dans la revue L’Œuvre nouvelle qui suggère que les troubles psychologiques sont souvent liés aux conditions économiques et sociales d’existence des malades. En 1911, membre du mouvement néo-malthusien, je publie Le Droit à l’avortement.

Mes trois années d’internat confirment mes convictions idéologiques initiales : un esprit laïque, matérialiste, positiviste et darwinien. L’influence de mes patrons m’amène à considérer la psychiatrie comme une tentative de compréhension des malades. Mes différents chefs de service sont francs-maçons. L’un d’eux me guide vers la Grande Loge Symbolique Écossaise, devenue mixte, où je suis reçue apprentie le 27 mai 1904, dans la loge La Philosophie Sociale. Je relance le bulletin de l’obédience et parraine Louise Michel. Je deviens secrétaire générale de l’obédience. Puis, je vais à la loge Diderot dont je deviens Vénérable. Je suis suspendue un mois de l’obédience pour avoir introduit « la féminité » dans le bulletin de la GLSE. En 1906, je fonde une loge indépendante Stuart Mill dont l’action est purement féministe. J’y reste trois ans avant de me réinvestir dans le combat politique. C’est au début des années vingt que je reprends une activité maçonnique à la fédération française du Droit Humain. Profondément révoltée contre l’injustice faite à ma condition de femme, j’affirme mon combat par le port de cheveux courts et d’un costume trois-pièces masculin. Je suis persécutée pour mon apparence jugée scandaleuse. En 1921, je pars clandestinement pour la Russie.

En 1925, je prends mes distances avec le parti communiste et en 1930 j’adhère à une de ses dissidences L’Unité Prolétarienne. En 1933, j’écris une autobiographie intitulée La femme vierge. Je prends part à la lutte pour le vote des femmes en refusant de payer mes impôts tant que des femmes ne seront pas représentées au parlement. Prônant le célibat comme un état supérieur, je souhaite la suppression du mariage que je veux remplacer par l’union libre. Je dénonce la construction sociale de la féminité montrant les rouages sexistes de la société. Mes prises de positions radicales font peur et m’isolent. J’installe mon cabinet à Paris et attends une clientèle qui demeure absente. Je vis surtout de mes appointements comme médecin de nuit à la ville de Paris. À 63 ans, je suis victime d’un AVC qui me laisse à moitié paralysée. En 1939, mon cabinet est perquisitionné, car je suis soupçonnée de pratiquer l’avortement. Je suis inculpée pour ce « délit » par un juge d’instruction. Après avoir été examinée par un aliéniste, considérée comme irresponsable, je suis internée dans un asile, où je meurs peu après, victime de mes idées. À Poitiers, une rue porte mon nom.

Retrouvez qui se cache derrière le maçon mystère dans le n°62 de Franc-maçonnerie magazine !

 

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Retrouvez également cet article sur notre magazine n° Magazine n°61

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