Né à la fin du XVIIIe siècle en Bretagne sous Louis XV, je suis un cousin du valeureux navigateur Duguay-Trouin. Mousse à treize ans, j’embarque sur un navire pour l’océan indien où je suis instruit aux techniques de la navigation. Je commence ma carrière de marin en 1789.
Je suis d’abord enseigne de navire marchand puis je deviens enseigne de la marine royale. Je sillonne la mer sur plusieurs gros vaisseaux. À vingt ans, je suis déjà capitaine au long cours et je m’enrichis dans la traite des esclaves. Je suis gêné par les agissements de la marine britannique ; celle-ci devient mon adversaire privilégié. Je suis corsaire de 1795 à 1820. Contrairement aux préjugés un corsaire n’est ni un pirate, ni un voyou des mers, mais un marin civil muni d’une autorisation officielle qui l’autorise à attaquer tous les bateaux de marchandises ennemis. En 1795, je commande un trois-mâts. Âgé de 23 ans, avec un équipage de moins de deux cents hommes, je suis entré dans la légende en prenant le dessus sur un navire anglais trois fois plus important et bien mieux armé que le mien. Je suis devenu progressivement la terreur des vaisseaux de marchandises britanniques après plus de quarante prises de guerre qui ont assuré ma réputation. Les Anglais ont mis ma tête à prix, mais cela m’a stimulé pour redoubler d’audace. Ma stratégie est de pratiquer une guerre d’usure en détruisant les points d’approvisionnements des navires de la marine anglaise.
C’est à Port-Louis, dans l’île Maurice qu’en 1796, je suis reçu apprenti à la loge La Triple Espérance. En tant que loup de mer, je n’ai pas la possibilité d’être un maçon très assidu en loge, mais je ne manque jamais l’occasion d’assister à une tenue quand j’en ai la possibilité, notamment pendant la période du blocus imposée à l’île par les Anglais. Je parviens à le rompre en novembre 1800. Cet acte de bravoure fit croître ma richesse et ma célébrité. Revenu dans ma Bretagne natale en 1801, je me marie avec la fille d’un armateur malouin. Nous aurons cinq enfants. L’Empereur me propose d’entrer dans la marine d’État avec le grade de capitaine de vaisseau et le commandement de deux frégates de guerre destinées à croiser dans la mer des Indes. Ayant un caractère indépendant, je lui demande d’avoir une complète liberté d’action, ce que l’Empereur me refuse. Je deviens armateur à mon tour. En 1804 je reçois la Légion d’honneur. En 1807, j’aborde et je rançonne un navire négrier anglais près de Madère, j’en libère les esclaves. Jusqu’en 1808, je continue à faire des voyages à l’île Maurice et cause les pires ennuis au blocus anglais. À toutes mes visites, j’assiste à chaque fois aux tenues de ma loge mère et je continue dans la région à couler quelques navires ennemis anglais. À la suite de démêlés avec le gouverneur de l’Isle de France qui a mis sous séquestre tous mes biens, je quitte définitivement l’Isle de France. Elle tombe deux années plus tard aux mains des Anglais et reçoit le nom de Mauritius (île Maurice). En 1809, je deviens baron d’Empire et je suis nommé colonel de la Garde Nationale de Cancale. Ne pouvant plus assister aux travaux maçonniques de ma loge mère, je me fais admettre à la loge la Triple Essence de Saint-Malo. De retour au pays natal, je me consacre aux armements de commerce jusqu’à la fin de mes jours. En 1810, j’obtiens que mes propriétés coloniales me soient restituées. Après la chute de l’Empire, je suis devenu un des plus riches armateurs de France. En 1827, j’arme dix-neuf navires de commerce qui sont destinés à la pêche à la baleine dans l’Antarctique. Je meurs peu après, riche et célèbre. Je suis inhumé dans le cimetière de ma ville natale en Bretagne.
Une rue de Paris porte mon nom et j’ai une statue en Bretagne où je suis représenté le doigt pointé vers les bateaux ennemis anglais.
Solution du « maçon mystère » dans le prochain numéro…
Qui se cachait derrière le maçon mystère du n°64 ?
Il s’agissait de Henri Marie Rodolphe Baur connu sous le nom d’acteur Harry Baur (1880-1940). Après une carrière théâtrale bien remplie, il tourne 37 films en douze ans dont beaucoup sont des grands classiques du cinéma, notamment Poil de Carotte, Les Misérables, Volpone, L’assassinat du Père Noël.