Après huit mois d’une traversée chaotique ponctuée d’incidents et d’avaries en tous genres, la gabare royale La Zélée, partie de Brest, fait son entrée le 11 avril 1829 dans le port de Pondichéry mouillé par les eaux capricieuses du golfe du Bengale. À son bord, plus impatient que jamais, Victor Jacquemont s’apprête à passer en Inde les trois prochaines années de sa courte existence. Formé aux sciences comme à la littérature, ce jeune homme de 28 ans, ami de Stendhal et de Rossini, a été chargé par le Muséum d’Histoire naturelle de glaner des plantes et des minéraux.
À peine arrivé, porteur d’une lettre de recommandation élogieuse signée Alexander von Humboldt, le voyageur se rend au Jardin botanique de la ville et rédige un rapport préconisant d’abandonner la conservation des essences importées au profit d’essences locales. Une dizaine de jours plus tard, Victor Jacquemont embarque de nouveau sur la Zélée pour se rendre cette fois plus au nord à Calcutta.
Il s’intègre rapidement à la société anglophone qui gravite autour du gouverneur général. Riche de plusieurs centaines d’ouvrages, la bibliothèque de ce dernier devient un lieu que fréquente assidûment le chercheur.
Six mois après son arrivée dans la ville, Victor Jacquemont quitte Calcutta avec huit serviteurs et deux chars à bœufs pour remonter le Gange. En bivouaquant sur les rives sauvages, le voyageur se contente d’un rudimentaire lit de jonc et de frugaux repas. Lorsqu’il arrive à Bénarès le dernier jour de l’année 1829, le radjah local met à sa disposition un éléphant. Il documente la géologie locale : assises d’argile schisteuse, cassures d’anthracite ou encore mines de diamant.
Une étape de quelques jours à Delhi lui permet de mettre à l’abri ses collections et d’organiser l’ambitieuse expédition qui le mènera vers les hauteurs de l’Himalaya. Les conditions climatiques sont particulièrement mauvaises en ce milieu du mois de mars 1830, mais Jacquemont continue de glaner des spécimens de roches et de plantes. Lui et ses hommes atteignent la station britannique de Simlah avant de profiter de la relative douceur de l’été pour s’engager sur les cols à près de 5600 mètres. Le Ladakh et « l’excessive nudité de ses montagnes » lui apparaissent comme un livre géologique grand ouvert qu’il dévore avec un insatiable appétit. Outre sa correspondance, il tient un journal très précis de ses observations. « J’écris beaucoup, sur tous les tons, sans effort, selon la disposition de mon esprit, l’état de mon estomac et la qualité de ma plume » confit-il.
Malgré une santé qui se dégrade, il reprend le chemin du Pendjab et du Cachemire avant de regagner Delhi à la fin de l’année 1831 pour classifier, étiqueter et emballer les quelque 5800 pièces d’herbier et échantillons de roches qui seront expédiées en France.
Entre les régions de Radjpoutana, de Malwa et le plateau du Deccan, les conditions de sa dernière expédition malmènent sa santé. Alors qu’il songeait à préparer son retour en France, il décédera à Bombay le 7 décembre 1832, trois ans et demi après son arrivée en Inde, à l’âge de seulement 31 ans. À la demande du ministre Guizot, le journal de son voyage sera publié dix ans plus tard. Ses cendres, quant à elles, seront transférées au Muséum à Paris en 1881.