Depuis le XVIe siècle, des Européens avaient exploré différentes régions de l’espace turco-musulman, mais ce fut le XIXe siècle qui éleva ce voyage au rang de genre littéraire (Chateaubriand, Lamartine, Gautier, Flaubert, etc.). Ce fut également le cas pour Gérard de Nerval (1805-1855) lors de ses pérégrinations au Proche-Orient (1843), après son premier accès de folie. Mais la particularité du périple de Nerval fut d’associer, en partie, ce « tourisme littéraire » à l’Art royal. Pourtant la question de sa non-appartenance à la franc-maçonnerie semble résolue depuis les travaux de Georges-Henri Luquet et de Louis Levionnois. En revanche l’influence maçonnique dans une partie de l’œuvre nervalienne est indéniable. Mais ce climat doit être inclus dans une plus large quête d’un Orient mythifié par Gérard. Sa traversée du Proche-Orient fut à la fois une exploration géographique et culturelle, un voyage dans le temps, une promenade spirituelle, une introspection et une randonnée à travers rêveries, chimères et psychoses.
Nerval quitte Paris le 23 décembre 1842 pour Alexandrie via Marseille (embarquement le 1er janvier) et Malte. Remontant le Nil, il parvient au Caire, le 7 février, où il va séjourner, « à l’orientale », dans le quartier copte que les Égyptiens nomment Masr al-Qadina, jusqu’au 2 mai. À la mi-mai, il est à Beyrouth, alors chef-lieu d’un sandjak turc, visite le djebel Druze et, après avoir été malade, rejoint Constantinople le 25 juillet. Il y demeure plus de trois mois jusqu’au 28 octobre et assiste aux fêtes du mois de Ramadan 1259 (25 septembre-25