Origène, théologien chrétien du troisième siècle, raconte dans son livre tourné contre Celse, philosophe païen hostile au christianisme, une anecdote devenue célèbre à propos d’Épictète (né à Hiéropolis en 50 et mort à Nicopolis vers 130). Esclave et philosophe stoïcien dont le nom signifie « homme acheté, esclave », Épictète eut un jour à subir de son maître Épaphrodite une sorte de torture consistant à l’obliger à mettre une jambe dans un étau. Tandis que ce maître stupide serrait graduellement l’étau, le philosophe l’avertit calmement : « tu vas me casser cette jambe ». Épaphrodite continua, et cassa la jambe. Le philosophe se borna à dire froidement : « je te l’avais bien dit : tu l’as cassée ». « Souffre et abstiens-toi » : la maxime célèbre du stoïcisme évoquée par Alfred de Vigny dans La mort du loup atteste l’endurance au mal. Il faut pour cela un détachement suffisant à l’égard de la douleur physique pour maîtriser les réactions qu’elle suscite. Pas de cri, pas de larmes. L’idéal de sagesse est l’absence de trouble (ataraxia) qui résulte d’une discipline intérieure adéquate.
La sérénité repose ici sur un effort de la raison et de la volonté. Les choses qui arrivent à notre corps ne sont pas en notre pouvoir. Mais nos réactions le sont. C’est d’autant plus remarquable qu’étant matérialistes les stoïciens expliquent l’activité mentale par le corps et non par une réalité spirituelle qui lui serait extérieure. Ai-je un corps ou suis-je un corps ? Une telle question met en jeu la conception de l’homme. Que recouvre le pronom personnel « je » au sein de l’alternative formulée ? Soit le sujet individuel se