Qu’est-ce que la guerre ? André Malraux la décrit, dans son roman L’Espoir consacré à la guerre d’Espagne, qui opposa de 1936 à 1939 les trois fascismes (Franco, Hitler et Mussolini) et la République, voulue par le peuple espagnol. Le constat en forme de réponse est fait par un des héros, Manuel, alors qu’il parcourt l’hôpital San Carlos, qui accueille les blessés : « Manuel prenait conscience que la guerre, c’est faire l’impossible pour que des morceaux de fer entrent dans la chair vivante (...) De l’un des lits du centre partaient sans arrêt ces gémissements où la douleur devient plus forte que toute expression humaine, où la voix n’est plus que l’universel aboiement de la souffrance, le même chez les hommes et les animaux : des jappements qui suivent le rythme de la respiration, et dont celui qui écoute sait qu’ils vont s’arrêter avec le souffle. » (1) Dans l’hôpital, des hommes font donc l’impossible pour extraire du corps des blessés ces morceaux de fer, que d’autres hommes avaient voulu y faire entrer. Absurdité. Double visage de l’humanité : cruauté mortifère, dévouement salvateur. Shakespeare n’a-t-il pas raison de voir dans la vie un récit absurde ? Lisons Mac Beth, acte 5 scène 5 : « Life is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing. » (« La vie est une histoire contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne veut rien dire. »)
La description de Malraux, sèche, s’en tient aux faits. Aux confins de la mort, l’humanité de l’homme chavire… Le voilà souffrant comme un animal qui jappe dans la terreur de ne pas survivre. Au-delà d’une définition qui resserre en elle l’horreur multiforme de la guerre et d’un constat d’absurdité, efforçons-nous de penser. Il faut alors surmonter le sentiment de dérision shakespearien, et tenter de comprendre. Clausewitz livre une formule célèbre « La guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques avec l’appoint d’autres moyens ». Cette banalisation invite évidemment à mettre en question la fatalité supposée des guerres. La paix doit-elle être recherchée à n’importe quelles conditions ? Y a-t-il des guerres justes ? Peut-on concevoir une paix durable entre les nations comme entre les hommes de chaque nation ? Bref, au-delà de la guerre, inhumanité d’une réalité humaine, quel espoir de paix ? Quelques réflexions introductives sur les deux guerres mondiales.
Toutes les guerres sont-elles de même nature ?
Pouvait-on être pacifiste en 1914 ? Ceux qui l’étaient et entendaient arrêter le massacre, observant que les peuples s’entretuaient sans véritable raison, furent « fusillés pour l’exemple ». Aujourd’hui que l’Allemagne et la France vivent en paix, en bons voisins, voire dans la concorde, on juge évidemment cruelles et absurdes les tueries de la Première Guerre mondiale. Ainsi certains hommes sont morts pour avoir eu raison trop tôt. Il serait temps de le reconnaître, et de les réhabiliter.
Pascal, si at