« Il ne faut pas de tout pour faire un monde ; il faut du bonheur et rien d’autre » énonce Paul Eluard. Le bonheur, c’est d’abord, étymologiquement, la bonne heure, la chance, le présage favorable. Souvent la temporalité en semble trop courte pour l’inquiétude humaine. D’où son prolongement imaginaire par un futur de jours heureux qui conjure la précarité de l’instant. Mais est-ce possible, au regard des alea de la vie ? On peut, comme cela est dit souvent, « avoir tout pour être heureux », et ne pas l’être. Le rapport au temps, à la vie comme aventure, mais aussi à la diversité des subjectivités singulières, rend difficile la conception d’une définition unique du bonheur. Une difficulté source de richesse, puisque l’humanité se découvre alors de multiples façons de s’accomplir.
Kant définit le bonheur comme un idéal de l’imagination, variable selon les individus, et à ce point solidaire de la liberté que tout modèle qui en serait proposé serait jugé arbitraire, ou irréaliste. Mais si l’idéal d’accomplissement des êtres humains ne peut être assujetti à des normes, du moins requiert-il des repères, qui puissent servir de référence pour s’émanciper des limites propres aux situations données. La philosophie peut alors intervenir non pour dire ce que doit être le bonheur et comment en remplir la promesse, mais pour contribuer