Le cœur et la raison s’opposent-ils ? Oui, si on voit dans le cœur, au sens figuré, l’organe d’une affectivité plus ou moins maîtrisée, et dans la raison une faculté intellectuelle dépourvue de toute portée affective. Non, si le cœur joue un rôle dans la pensée par des intuitions et des principes propres, tandis que la raison, au-delà de sa fonction logique, peut jouer un rôle éthique et affectif, comme le montre le concept kantien de raison pratique, faculté morale majeure. Dès lors, le cœur et la raison se distinguent sans s’opposer. On pourra même les dire complémentaires tout en situant leur pertinence dans leurs domaines respectifs. C’est une telle approche que développe Pascal, dont on sait qu’il fut à la fois homme de science et homme de religion, homme de raison et homme de foi. Et ce, grâce à une problématique originale, à rebours de tout dogmatisme religieux, mais aussi de tout scientisme étroit. Rappelons cette conciliation du cœur et de la raison, dont l’auteur des Pensées redéfinit la nature et la fonction, mais aussi les limites respectives. Un rappel d’une singulière actualité comme antidote contre les fanatismes religieux, mais aussi contre les mauvais usages de la raison. Une belle occasion de célébrer le quatrième centenaire de la naissance de Pascal (né le 19 juin 1623, mort le 19 août 1662).
Pour accueillir l’analyse proposée ici, un bref rappel de ce que furent la courte vie de Pascal et son extraordinaire créativité servira de contexte général à l’évocation du rapport entre le cœur et la raison, thème très présent dans nombre de philosophies, et d’une portée majeure dans l’œuvre du penseur, comme on le verra plus loin. C’est Chateaubriand qui tient la plume ici : « Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on