Philosophie

Le scepticisme, une école de lucidité ?

« Dans le doute, abstiens-toi ». Une maxime de sagesse pratique autant que théorique, que l’on pourrait attribuer à la philosophie sceptique, mais aussi à toute philosophie soucieuse de lucidité. Le skeptikos, en grec, c’est celui qui observe et réfléchit, et s’abstient donc de juger voire d’agir précipitamment. À sa disposition, d’abord comme simple outil mental, ensuite comme premier avis, la suspension du jugement (en grec epokhè), véritable halte dans le tourbillon des opinions premières. Un exemple courant. On dit souvent ceci de celui qui apprend une nouvelle très surprenante et pour le moins inattendue : « Il a accueilli la nouvelle avec un certain scepticisme ». Retenue tant affective que mentale, l’attitude sceptique évoquée ici atteste un souci de prudence. Une nouvelle accueillie comme douteuse demande confirmation ou infirmation avant que l’on puisse s’en réjouir ou s’en lamenter. Deux aspects donc : la précaution intellectuelle et la maîtrise de toute impulsion affective. Nous sommes sur la voie du scepticisme philosophique. 
L’incrédulité de principe adoptée par le sceptique met hors jeu toute modalité non distanciée de la conscience humaine : croyance naïve, réaction impulsive, adhésion spontanée ou rejet immédiat. La suspension sceptique se traduit par une neutralité de principe, une indifférence volontaire adoptée comme préalable à plus ample analyse. Elle consiste en effet à tenir la bride à l’affectivité spontanée dans le souci d’en savoir plus avant de réagir. Prenons notre temps avant d’affirmer ou de nier. Le recul, refus de la précipitation, est ici essentiel pour délivrer le regard, et donner ses droits à l’interrogation critique. Il doit avoir lieu sans préjuger du résultat : nier, affirmer, ou suspendre tout jugement sur l’objet du doute en considérant qu’il est indécidable. Un exercice du doute destiné à en faire une méthode, une sorte de principe de précaution dans les choses de la pensée, mais aussi de l’action. 

 

Du scepticisme à l’agnosticisme    
Voilà qu’après réflexion le sceptique, ayant observé et réfléchi, déclare ne pouvoir trancher et vouloir s’abstenir de tout jugement concernant les choses examinées. Ce diagnostic est de portée variable, car il peut être simplement ponctuel, et se référer à un domaine strictement délimité, comme dans le fait de suspendre tout jugement qui affirmerait l’existence de Dieu ou au contraire sa non-existence. Il peut être aussi universel, sans distinction de domaines, dans une figure radicale d’invalidation de tout

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