Philosophie

Quand la justice se substitue à la vengeance

Robert Badinter (1928-2024). Garde des Sceaux et ministre de la Justice de 1981 à 1986, Robert Badinter a défendu le projet de loi visant l'abolition de la peine de mort. Ce projet de loi est voté par l’Assemblée nationale le 18 septembre 1981. DR

À quoi échappons-nous par les lois et la justice d’un état de droit ? L’histoire légendaire des Atrides, racontée en 459 av. J.-C. par le dramaturge grec Eschyle, le rappelle. Elle évoque la sanglante tragédie de la vengeance réitérée au sein d’une même famille. Le sang versé appelle le sang. Une vendetta se déroule inexorablement, mêlant à jamais la mémoire et la terreur. La malédiction, de père en fils, remonte au conflit originaire de deux frères, Atrée et Thyeste, rivaux pour le trône de Mycènes, finalement confié à Thyeste. De rage, Atrée tue des enfants de son frère, et les lui fait manger. Le fils de Thyeste tue alors Atrée, et son père redevient roi de Mycènes. Le fils d’Atrée, Agamemnon, chasse Thyeste et prend sa place. Devenu chef d’une expédition guerrière contre Troie, il sacrifie sa fille Iphigénie pour obtenir des vents favorables qui permettront à la flotte d’appareiller. Egisthe, lui-même fils de Thyeste, devient l’amant de Clytemnestre, femme d’Agamemnon. Celui-ci, à son retour de Troie, dont il rentre victorieux, est tué par Clytemnestre avec l’aide d’Égisthe. Enfin Oreste, revenu à Mycènes, tue Clytemnestre et Egisthe. La vengeance s’est réitérée, comme malheur, et comme impasse. Le même sang, ici, ne cesse de couler. L’humanité vit symboliquement la tragédie de la vengeance comme une affaire de famille. Une famille maudite, où le meurtre est reconduit de génération en génération, jusqu’à la nausée, qui saisit les dieux eux-mêmes. Quand cela finira-t-il ?  

Les Érinyes, véritables furies de la vengeance, « femmes vêtues de noir, enlacées de serpents sans nombre », réclament la mort d’Oreste. Athéna (Minerve chez les Latins) parle alors aux citoyens d’Attique. Le règne de la vengeance a assez duré. Le cycle funeste des Atrides touche à sa fin. C’est dire que le cercle vicieux de la violence qui appelle la violence doit être brisé, et laisser la place à une autre logique. Oreste, dernier meurtrier vengeur, doit-il succomber à son tour ? Les Érinyes, déesses rageuses de la vengeance, réclament cette mort Ã

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