Les francs-maçons sont-ils mieux armés que les profanes pour supporter le confinement, donc l’enfermement, voire même la solitude et le silence qu’il induit parfois ? Et quelles leçons tirent-ils de cette crise pour eux-mêmes et pour la franc-maçonnerie ? Ces questions ont été posées à chaud à une dizaine d’entre eux… leurs analyses et réponses sont de nature à nourrir la réflexion collective.
Le confinement, les francs-maçons le pratiquent, eux qui s’enferment volontairement dans leurs temples : « Il y a aussi, note l’un d’entre eux, le rituel qui dirige les travaux. En cela, nous sommes préparés à vivre selon des modalités de libertés physiques réduites. notre esprit est donc à priori mieux préparé à subir des contraintes, des limites. Notre discipline est un atout pour réguler nos pulsions, nos envies. » Aussi, pour être plus à l’écoute de l’autre, puis prendre la parole après avoir maitrisé ses impulsions, ses passions, ses mouvements d’humeur.
Et l’avenir ? « Je forme l’espoir, estime une sœur, que nos travaux permettront à toutes les obédiences de peser auprès de nos dirigeants dans la recherche d’un nouveau monde où Liberté Égalité Fraternité seront absolument prioritaires sur ce libéralisme débridé (mondialisation non maitrisée) qui montre très bien en ces moments de crise ses limites. Bref, nous devons porter haut nos valeurs, c’est le moment ! »
« L’après » occupe les esprits. Quel sera-t-il ? Vaste question. « Pour les francs-maçons, développe un frère belge, cette perspective n’induit pas une curiosité, elle exige un devoir. Une vision futuriste sans prédiction, et sans coquetterie futurologiste. » Chercher la vérité est décisif à ses yeux, mais il nous ramène au monde réel en citant ensuite ces mots d’Ernest Renan : « Il se pourrait que la vérité soit triste. » Les francs-maçons le savent, mais ils continuent cependant de travailler.
Mais, quel doit être ce travail ? « J’espère, dit un frère, que cette crise redynamisera nos débats en loge sur l’avenir de nos sociétés et nos engagements individuels dans la cité. Sans oublier que la pause “obligée” par le Covid-19, nous rappelle que les planches symboliques, “hors du temps”, nous aident à appréhender ce temps long, qui nous ramène à nous-mêmes. » À la mort aussi ? Revenant sur l’actualité, un autre frère ne mâche pas ses mots : « Le coronavirus, c’est le retour, et pour certains, la découverte que nous sommes mortels ! Notre culture niait la mort sous des illusions prométhéennes et le rêve qu’on peut tout acheter ! »
Bien sûr, les maçons ne sont pas pressés de mourir, à la fois parce qu’ils aiment la vie, mais aussi pour se concentrer sur leur temple intérieur (c’est une des grandes leçons qu’ils retiennent de leur confinement, au vu des témoignages recueillis) et pour édifier le temple de l’Humanité, et toutes et tous de rappeler : « Notre travail n’est pas achevé ». Qui en douterait ?