Société

Interview de Nicolas Penin, grand maître du Grand Orient de France

Nicolas Penin - NGH presse

La loi de séparation des Églises et de l’État aura 120 ans cette année. Promulguée le 9 décembre 1905, elle établit la neutralité de l’État en matière religieuse et garantit la liberté de conscience. Un événement incontournable pour Nicolas Penin, et dont il souhaite profiter pour aller plus loin : faire constitutionnaliser les articles 1 et 2 de cette loi fondatrice de la laïcité.

 

Hélène Cuny : Pensée comme une loi d’apaisement par ses contemporains, la loi de 1905 est-elle encore vectrice d’harmonie sociale ?
Nicolas Penin : Elle est l’une des pierres angulaires, fondatrice de la pacification de l’espace public dans notre République. Promotrice d’émancipation, garante des libertés individuelles, la loi de 1905 est tout sauf une loi de coercition et d’interdiction. Il est hors de question pour nous de la laisser à d’autres et de laisser croire qu’elle s’apparenterait à une liste d’interdictions venant contraindre les individus. C’est, justement, cette loi qui permet à chacun d’exprimer sa liberté. C’est le message que souhaite transmettre le Grand Orient de France durant toute cette année anniversaire. Quels que soient les grands maîtres, les responsables d’obédience, l’objectif est d’assumer que cette loi qui est la nôtre est consubstantielle à la République. 

HC : Il y a quelques mois, nous avons commémoré l’anniversaire de la mort de Samuel Paty. Pourquoi, selon vous, la loi de 1905 semble-t-elle mal comprise auprès des jeunes générations ? Qu’est-ce qui a changé ces dernières décennies ?
NP : S’il y a bien un endroit où la laïcité est codifiée, réglementée, écrite, c’est bien à l’école. Le problème réside dans la transmission de ce qu’est la laïcité : certains ne savent plus le faire, n’ont plus la capacité de le faire, ou ne se sentent pas soutenus et se l’interdisent. Comment par ailleurs assumer la laïcité quand certains dirigeants jusqu’aux plus hauts sommets de l’état n’en respectent pas les principes ? Nous vivons aussi dans un monde ouvert où les cultures se côtoient et se confrontent. La jeunesse, qui a besoin de repères, de neutralité et d’exemplarité s’interroge. 

HC : Nicolas Sarkozy en 2004 et plus récemment Emmanuel Macron ont justement tenté de modifier la loi de 1905. Que répondez-vous à ces tentatives ?
NP : Ces tentatives témoignent d’une volonté d’entrer dans l’ère du compromis, voire de la compromission ; dès lors, il s’agit d’un recul sur le terrain de nos valeurs. Notre dernière assemblée générale a demandé à ce que nous travaillions à la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi de 1905. C’est une décision unanime du convent. Cela signifie pour nous que ces articles n’ont pas à être modifiés ni amendés. 

HC : Quelles seront vos actions pour mener à bien ce projet ?
NP : Notre volonté est d’abord publique en ayant une communication large sur ce projet de constitutionnalisation. Notre action va se tourner vers le législateur et le politique, en particulier vers les groupes parlementaires républicains de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les positions du Grand Orient de France sur la défense des valeurs républicaines ont toujours été nettes et visibles et c’est pour cela que nous sommes reconnus. Cette action s’intègre aussi dans une volonté plus large de restaurer la République, de revenir aux fondamentaux, non pas à un âge d’or, mais à l’essence des choses. Cela signifie travailler sur le contrat social, sur les enjeux contemporains (ADT Quart monde, Association du droit à mourir dans la dignité, etc.). La République agit et vit parce qu’il y a des républicains. Ce sont finalement plus les républicains que la République qu’il nous faut réparer. 

HC : Y aura-t-il des événements tout au long de cette année ?
NP : Le 9 décembre 2024, s’est tenue à Paris une première conférence inauguratrice, avec Denis Lefebvre, Pierre Ouzoulias et Nathalie Zenou, sur les francs-maçons et la loi de 1905. Le 11 janvier j’interviendrai à Nîmes lors d’une conférence publique organisée par la loge 1905 aux côtés de l’historien Jean-Paul Scot. À Pons, en mars, nous serons également présents. D’autres dates suivront. Une exposition est prévue. Nous souhaitons que les loges s’impliquent pleinement en organisant des conférences publiques. Il est important que les francs-maçons portent ce projet car il est l’essence même de leur engagement. Mais, nous admettons aussi sans réserve que nous devons nous interroger sur le principe de laïcité, non pour le remettre en question, mais pour avoir conscience de ce qu’il nous apporte. Nous avons l’objectif cette année de former 3000 de nos membres sur les valeurs de la République et de la laïcité. L’idée est bien de consolider et d’affirmer ce principe républicain dans une obédience de tradition maçonnique, initiatique, symbolique et républicaine.

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