Faire reconnaître le burn-out, ou épuisement au travail, comme maladie professionnelle, tel a été le message majeur délivré mardi 20 octobre lors de la conférence organisée par le collectif de loges du Grand Orient de France réunies au siège de l’obédience, temple Arthur Groussier.
« Le travail auquel croient les francs-maçons n’est pas celui qui conduit à déshumaniser la société et à aliéner un peu plus chaque jour les hommes et les femmes qui la constituent » a annoncé en préambule, le grand maître, Daniel Keller, donnant le ton. L’évolution permanente du monde de l’entreprise depuis plusieurs décennies, avec la recherche toujours accrue de la performance financière a eu pour corollaire de mettre en place des mécanismes de direction par objectif, d’évaluations constantes, conjugués à une réduction massive des effectifs. Faire toujours plus, avec moins. La mise en concurrence entre collègues a pris le pas sur la solidarité. Autant d’éléments favorisant une inexorable dégradation des conditions de travail. C’est ce que constate Jean-Claude Delgennes, spécialiste des risques professionnels, qui précise « aujourd’hui, avec les nouveaux moyens de communication, le travail n’est plus borné et envahit tous les autres espaces ; on aboutit souvent au travail excessif. S’ajoute à cela un rapport compulsif : la société française, avec ses 3,5 millions de chômeurs a intégré une précarité virtuelle du travail. Lorsque le travail excessif rencontre le travail compulsif on est dans un processus qui conduit inévitablement à l’épuisement professionnel ». Le spécialiste va plus loin : « nous devons questionner les facteurs de risque et modifier la loi. Le déni actuel dans ce domaine frappe les plus faibles. » Pour l’heure en effet, les individus victimes d’épuisement professionnel ne sont pas reconnus. Livrés à eux-mêmes, en position d’échec, ils sont qualifiés en défaillance personnelle. A l’inverse, la reconnaissance en maladie professionnelle aurait pour conséquence de provoquer un débat en interne de la société, avec le CHSCT*, les délégués du personnel, et la médecine du travail. Il y aurait une traçabilité. Des mesures pourraient être prises. Aujourd’hui, il n’existe donc aucune statistique, sur un phénomène pourtant bien réel et qui touche indifféremment tous les secteurs d’activité : assurance, banque, police, milieux hospitaliers, etc. Un constat alarmant pour Bernard Maurat, médecin du travail en Touraine qui précise « sur 1200 personnes suivies en 2014, 200 ont été mises en inaptitude professionnelle ». Les conséquences pour la société sont énormes, explique le médecin « la durée moyenne de l’arrêt de travail est de 10,34 mois, sans compter tous les arrêts qu’il y a eu avant pour les autres pathologies. Ceci engendre un coût important. Bien souvent aussi les personnes renoncent à retourner sur leur lieu de travail ». Faut-il se satisfaire d’une telle situation ? Faire reconnaître ce syndrôme de burn out comme maladie professionnelle apparait d’une urgente acuité, car notre société peut-elle accepter de jeter en pâture des gens qui ont tout donné ? Cette conférence fait partie du cycle « engagements d’humanisme » proposé par les loges du Grand Orient de France. Prochain rendez-vous : Alençon, en décembre sur le thème des conditions carcérales. HC.