Les mythes ont non seulement la vie dure, mais ils ont aussi la particularité de servir une cause aussi bien que de la desservir selon le profit que l’on veut en tirer. Ainsi en est-il du mythe selon lequel la Révolution française aurait été l’œuvre de la franc-maçonnerie, mythe propagé notamment par le jésuite Augustin Barruel dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme. Tous les historiens sérieux s’accordent aujourd’hui à reconnaître que si l’on trouve des maçons chez les républicains modérés comme chez les ultras, leur participation à l’œuvre républicaine relève bien davantage de l’exception que de la règle. Il est par contre une réalité historique incontestable : avant 1789, la franc-maçonnerie, même acquise aux Lumières, fut passionnément royaliste, cléricale, aristocratique, élitiste, et constitue même dans son fonctionnement comme dans son action politique un microcosme de l’ordre ancien.
À ce jour, aucun document, aucune archive, aucun témoignage n’accrédite l’idée d’un bouillonnement révolutionnaire dont les loges auraient été le creuset. S’il est exact que la célébrissime loge parisienne des Neuf sœurs a rassemblé les plus beaux esprits de son temps partageant une même foi dans les arts, les sciences et le progrès, rien ne permet de dire que Voltaire qui y fut initié quelques mois avant sa mort témoignait ainsi des principes qui avaient guidé son œuvre politique et philosophique. Le grand Montesquieu lui-même, qui fut le seul maÃ