Tradition
Chef d'oeuvre avec en arrière plan Pierre Guelff et Alexandre Decharneux - DR

Chefs d’œuvre en vue

Durant l’été 2023 s’est tenue à Bruxelles à l’Espace Entrée Libre d’Etterbeek une exposition consacrée au compagnonnage. Commissaire de l’événement, Alexandre Decharneux, compagnon menuisier du Devoir de Liberté, dit Brabançon Noble Cœur évoque avec nous son parcours.

Pierre Guelff : Parlez-nous de votre formation, de votre itinéraire professionnel, de ce fameux Tour de France qui, contrairement à ce que d’aucuns croient, n’a aucun rapport avec le cyclisme…
Alexandre Decharneux : J’ai commencé ma formation il y a bientôt neuf ans en allant faire mon CAP en France dans un centre d’apprentissage des Compagnons du Tour de France . J’y ai obtenu mon certificat d’aptitude professionnelle au bout de deux ans à l’issue desquelles j’ai entamé mon Tour de France. Ce périple m’a mené de Toulouse à Grenoble, en passant par Nantes et Paris. J’ai eu la chance de rencontrer énormément de personnes durant ce parcours et d’apprendre le métier. Aujourd’hui, je suis installé en Belgique (Frasnes-lez-Gosselies).

PG : Quel est l’objectif de cette exposition bruxelloise ?
AD : Notre intention a été de mettre en valeur les chefs-d’œuvre réalisés par les compagnons. L’exposition met particulièrement l’accent sur le centre d’apprentissage du Jura et fait découvrir le compagnonnage et ses valeurs, ici, au cœur de l’Europe, car il n’a jamais réellement pu se développer au-dessus du nord de Paris.

PG : Les légendes, les coutumes, les us sont-ils toujours bien présents ? Par exemple, la Mère ?
AD : Oui, nous avons les Mères dans nos sièges. On retrouve la Mère chez les charpentiers et chez les menuisiers. Historiquement, la seule figure féminine chez les compagnons, elle est celle qui veille sur la vie intérieure de la Cayenne – maison des compagnons –, accueille, soutient moralement et est un éventuel lien avec les familles. À l’heure actuelle, le Tour de France s’est agrandi et les femmes y sont de plus en plus présentes. Nous sommes très heureux de les accueillir, d’ailleurs. L’année prochaine, je pense que nous pourrons recevoir les premières femmes compagnons à la Fédération compagnonnique.

PG : Participez-vous au renouveau de la cathédrale de Paris ?
AD : Certains compagnons y participent, effectivement. Pour ma part, j’ai eu l’occasion de travailler sur d’autres beaux monuments, comme à Matignon, au château de Versailles ou bien au palais de l’Élysée.

PG : Quel est votre rôle ? Restauration ou apport de quelque chose de nouveau avec un autre regard par rapport au compagnonnage ancien ?
AD : S’agissant des monuments historiques, nous sommes dans la restauration pure et suivons les directives des architectes des Bâtiments de France. Mais, cela ne nous empêche pas d’intégrer des techniques modernes, notamment les images numériques en trois dimensions. Ce sont des éléments-clés vers une ère de modernité. C’est tout l’enjeu du compagnonnage : innover tout en faisant perdurer nos traditions.

PG : Au-delà du métier, peut-on dire que le compagnonnage est une école de la vie ?
AD : Tout-à-fait ! On apprend énormément quand on se trouve éloigné de sa famille, que l’on doit assumer ses responsabilités, vivre en communauté, développer le sens de la fraternité aussi. On s’émancipe au travers de ce fil conducteur qu’est toujours le métier.

PG : Le Tour de France pourrait-il devenir européen ?
AD : Le compagnonnage a des points de chute dans d’autres pays. Ainsi, on trouve des compagnons aux États-Unis, en Inde… Là où il y a un compagnon, il peut y avoir des itinérants. En Belgique, le compagnonnage reste très peu connu, pourtant, cela peut être un moyen d’apprentissage incroyable.

PG : Quel message souhaitez-vous passer à un jeune ? 
AD : La question se pose souvent à l’itinérant, car c’est dur de partir de chez soi durant dix ans. Cela paraît long. Mais, c’est tellement formateur !
On vit une expérience magnifique qu’il faut oser entreprendre et quand on l’a réalisée, on se sent vraiment différent. Tout l’enjeu pour les jeunes qui ont été reçus compagnons est de transmettre leur savoir à leur tour.

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