Dans une de mes vidéos tournées dans les locaux du Droit Humain à Marseille, j’évoquais l’origine héraldique de ce que les francs-maçons nomment « lacs d’amour ». Mais c’est aux lecteurs de Franc-maçonnerie magazine que je réserve de plus amples détails symboliques.
En effet, dans les loges françaises, généralement, nous connaissons cette corde qui fait tout le tour de la pièce et qui est dotée de nœuds en forme de huit et que l’on nomme « lacs d’amour ». Bien évidemment, rien de tout ceci n’a à voir avec le Lac d’Amour situé en Savoie. Rien ? Peut-être pas. Car ce nœud se nomme également « nœud de Savoie » à cause de son utilisation héraldique par la maison de Savoie dès 1382 lors du règne d’Amédée VIII, comte puis duc de Savoie.
Ce nœud bien particulier est apparu en héraldique en 1352, plus précisément, lors de l’accession au trône de Louis de Tarente, dit d’Anjou, roi de Naples qui fonda un Ordre du Saint-Esprit au Droit Désir, ou « ordre du nœud » et dont un nœud en huit faisait partie de sa devise « Ce dieu plait » (ill. 1).
Mais cette corde à lacs d’amour possède en réalité un autre nom : cordon de veuve. Cette petite cordelette, ou cordelière servait ainsi depuis 1470 à désigner les veuves dans les écus d’armes (la première ayant ainsi pu être Louise de la Tour d’Auvergne, veuve de Claude de Montagu). Ce symbole traversera alors les siècles, puisque l’on en trouve encore trace sur le monument funéraire de Charles du Plessis et d’Antoinette de Pons en date du 1er quart du XVIIe siècle (ill. 2) jusqu’au XIXe siècle.
Mais ce qui est intéressant pour les francs-maçons, c’est que ce symbole sera alors repris par les compagnons tailleurs de pierre. Ainsi, Jean-Michel Mathonière a retrouvé, grâce à Jacques Auguste Colin, une clé de cintre datant de 1711-1715 d’un maître tailleur de pierre du nom de Benoist Guyot, où le motif d’une corde à deux lacs est représenté. Voici d’ailleurs comment il la décrit : « la tête du compas est surmontée d’une cordelière formant en symétrie deux lacs d’amour se terminant en houppes simples ». Pour lui, ce symbole représente chez les compagnons tailleurs de pierre la vraie fraternité.
Ce symbole continental gagnera alors par porosité la franc-maçonnerie spéculative française, et dans la divulgation du Nouveau catéchisme des francs-maçons de Travenol, on le retrouvera dans l’illustration d’un tableau de loge de 1748 décrit comme suit : « Une efpece de Cordon de Veuve qui entoure le haut du Deffein fous le nom de Houpe dentelée. » (ill. 4).
Ce « cordon de veuve » encadrant ainsi les tableaux de loge continentaux dès les premières années de la franc-maçonnerie en France est ensuite apparu dans les locaux maçonniques, symbolisant la fraternité certes, mais aussi peut-être le fait d’être des enfants de la veuve.