Les francs-maçons français ont inventé nombre de traditions maçonniques. La plupart ont alors traversé la Manche et par un jeu de va-et-vient sont entrées dans la tradition anglaise. Mais savez-vous ce que signifie « il neige » ?
L’explication vous sera donnée par Louis, Théodore, Henri, baron de Tschoudy (1727-1769) dit « Lussy » sous son nom de plume maçonnique en 1766 dans l’ouvrage : L’Étoile Flamboyante ou la Société des Francs-Maçons, considérés sous tous ses aspects (2 tomes).
Franc-maçon ayant une conception alchimique de l’Ordre, fervent pourfendeur des condamnations pontificales, voici ce qu’il livre comme détails sur cette expression (souvenez-vous que les « f » sont des « s longs », ainsi : « est » s’écrivait « eft ») :
« Il pleut, eft en général un mot adopté par les Francs-Maçons pour avertir de l’approche d’un profane, que dans le fait on ne devroit jamais craindre, fi les loges étoient aufli foigneufement gardées que le temple ou le fanctuaire qu’elles repréfentent, lorfqu’un corps illuflre deftiné à fa confervation veilloit fans relâche à le préferver des entreprifes du dehors, & le faire refpefter au — dedans. Il pleut, quelle image. Peut-on ainfi dégrader L’analogie des loges au temple où certainement il n’y eut jamais de gouttieres réelles ni figuravites ? c’eft un abus d’imitation bien mal conçu. Dans quelque loge on pouffe l’extravagance jufqu’à dire : il neige quand le profane qui s’avance eft du genre féminin fimilitude prife vraifemblablement de la blancheur des cornettes ou de la coeffure des femmes. O combien de loges où il fait toujours un temps orageux ! J’en fais une entr'autres où la pluie la neige & tous les ingrédients pareils font toujours caufés par le fait du maître qui y préfide, où des filles débauchées viennent mêler leurs lafcives attitudes aux décentes pohures des laborieux Maçon ; où les lacs obfcenes de la grofilere volupté, ofent s’unir à la vertueufe chaîne qui lie les frères ; où lorfqu’avant le repas, le maître à la clôture, demande fuivant l’ufage quelqu’un a-t-il quelque chofe à propofer pour le bien de l’ordre ? des freres répondent, le fouper & des filles, car cela m’ennuie tandis que d’autres rougiffent du propos & du fcandale, & finiffent en murmurant par payer à titre de Pique-nique maçonnique, l’écho de tous les foupirants qui fe penchent fur le fein de leurs nymphes. »
Bien que véritable hapax (occurrence unique), cette expression des années 1760 montre combien la réalité des loges de l’époque pouvait être soumise à la volonté du « Maître » de la loge. Chaque Maître avait ainsi droit d’organiser ses tenues comme bon lui entendait. Et certains devaient ainsi organiser de drôles d’initiations si l’on croit le baron de Tschoudy… Élément amusant, il raconte également que, dans certaines loges, lorsqu’une « dignité éminente diftinguée par des broderies & des rubans » est présente, il convient de pleurer à la porte et de raconter à la personne qui ouvre : « le chat eft mort » !
« Chat » étant, selon l’auteur, la corruption du mot « Scach » qu’il désigne comme « terme oriental qui finifie feigneur, mais paffant de bouche en bouche, écrit de cent façons, l’expreffion eft traveftie, au fond cela revient au même, & ne vaut pas le choix. Quelle abfurdité ! Quelle folie ! » Retenons surtout qu’il instaura en parallèle un Ordre de l’Étoile Flamboyante, avec des grades chevaleresques prétendument remontant aux croisades. Nous pouvons mettre en doute ses dires, mais lamentons-nous tout de même pour le pauvre chat.