La franc-maçonnerie insiste beaucoup sur les colonnes du temple de Jérusalem, mises en avant par la maçonnerie spéculative. Les opératifs axaient plutôt le récit de l’acquisition de leur savoir sur la transmission des Arts libéraux à partir de deux colonnes que l’on nomme « les colonnes antédiluviennes ».
Jetons un coup d’œil au manuscrit Cook (environ 1450) , l’un des textes fondateurs de la franc-maçonnerie. On peut y lire qu’avant le déluge de Noé, les maçons, craignant une vengeance divine par le feu ou l’eau, firent édifier deux piliers, l’un en marbre et l’autre en lacerus (probablement de la pierre ponce). Jabal y grava toutes les sciences et techniques qu’ils avaient découvertes. Le marbre devait résister au feu, tandis que le lacerus flotterait sur l’eau. Le déluge survint, détruisant presque toute vie sur Terre. Seuls Noé et sa famille survécurent. Longtemps après, selon la chronique, ces piliers furent redécouverts. Le récit du Cook précise que le grand clerc Pythagore en trouva un, et le philosophe Hermès l’autre, leur permettant ainsi de transmettre les connaissances anciennes. Cette légende est en fait antérieure au Cook et provient du Livre des Jubilés, écrit apocryphe écarté de la Bible. C’est Kainam, descendant de Noé, qui « trouva un écrit que les [générations] précédentes avaient gravé sur le roc et il lut ce qu’il y avait dessus et le retranscrit et pécha à cause de cela, car il contenait l’enseignement des vigiles suivant ce qu’ils faisaient pour observer les signes du soleil, de la lune et des étoiles dans tous les signes du ciel » . En creusant encore un peu, on découvre que les Hébreux d’alors n’érigeaient pas des colonnes, mais des stèles. Flavius Joseph écrit ainsi « […] Ils élevèrent deux stèles, l’une de briques et l’autre de pierres, et gravèrent sur toutes les deux les connaissances qu’ils avaient acquises. » Enfin le mystère se dénoue en comprenant que Flavius Joseph a mélangé le récit des Hébreux avec celui de Moéris, le dernier des 330 rois d’Égypte et dont Hérodote parle en ces termes : « Quand il rencontrait des nations courageuses et jalouses de leur liberté, il érigeait dans leur pays des colonnes, sur lesquelles il faisait graver une inscription qui indiquait son nom, celui de sa patrie, et qu’il avait vaincu ces peuples par la force de ses armes : quant aux pays qu’il subjuguait aisément, et sans livrer bataille, il élevait des colonnes avec une inscription pareille ; mais il faisait ajouter les parties naturelles de la femme, emblème de la lâcheté de ces peuples ». Nos sœurs apprécieront l’origine de la tradition…