Tout franc-maçon ou franc-maçonne l’a vu au moins une fois dans sa vie. Cette estampe de 1774 de Michel Hennin (ou Jacques-Philippe Le Bas) est dédiée à l’un des premiers ouvrages antimaçonniques édité, et réédité 45 ans après en de si nombreux exemplaires qu’il fait partie des plus célèbres textes maçonniques de l’époque.
Cet ouvrage, c’est « Le catéchisme des franc-maçons » dans son édition de 1740, ou « La désolation des entrepreneurs modernes du temple de Jérusalem, ou Nouveau catéchisme des francs-maçons ». Son auteur, Léonard Gabanon, (ou Louis Travenol) était très probablement violoniste à l’Opéra de Paris et le fait le plus marquant de son existence est d’avoir eu à subir un procès intenté par Voltaire en 1746-1747. La légende le décrit comme un profane ayant été instruit des mystères de l’ordre et s’étant fait passer maçon auprès de nombreux frères. Or, à la lecture de ses commentaires sur le grade de Maître, il est vraisemblable qu’il ait été effectivement un profane s’étant fait passer pour un apprenti et ayant reçu quelques indiscrétions de frères plus avancés dans leur parcours maçonnique.
Mais quel était son intérêt à faire de telles divulgations ? Regardons ce qu’il dit dans son épître au beau sexe en introduction de son ouvrage : « Sexe enchanteur que j’adore, & à qui je voudrois pouvoir plaire autant que vous savez me charmer, souffrez que je vous dédie ce petit Ouvrage, pour vous venger de l’injure que les Franc-Maçons vous font en vous bannissant de leur Société, & en voulant nous persuader qu’on peut sans vous, goûter une félicité parfaite ».
Notons que son objectif ne fut vraisemblablement pas atteint puisque, dès la 3e édition, il fut contraint d’admettre que, loin de causer du tort aux francs-maçons, son ouvrage aida au contraire à leur prosélytisme. Et, sans qu’il le sache, continue encore de le faire grâce également à cette série d’estampes* postérieures. On y voit ainsi une iconographie très détaillée qui nous relate par l’image les cérémonies du XVIIIe siècle en France telles qu’elles étaient pratiquées aux trois grades du rite français. À ceci près que, si l’on regarde attentivement, on décèle de nombreux détails sensés ironiser sur le sérieux de la maçonnerie. Ainsi, pêle-mêle, nous voyons un frère qui se cure le nez, un Vénérable en chaire se servant d’un agenouilloir d’église comme plateau, ou encore des frères débraillés mettant leurs mains dans leurs poches, si ce n’est à d’autres endroits… Le diable est ainsi toujours dans les détails…
* Cette série d’estampes est consultable en ligne sur le site de la bibliothèque municipale de Lisieux : http://www.bmlisieux.com/galeries/maconnerie/maconn01.htm