En voulant trop penser la vie, la philosophie ne l’oublie-t-elle pas ? Pour Nietzsche cette interrogation est majeure. D’où l’idée de philosopher à rebours du dualisme idéaliste qui oppose l’esprit et le corps et des religions qui disqualifient l’ici-bas au nom de l’au-delà. Ce geste salutaire ne remet pas en cause la philosophie elle-même, mais invite à en reconsidérer le sens et la méthode. Pour cela, toute vision du monde doit être interrogée à partir d’une mise en évidence de la situation qui la produit. Le christianisme, entre autres. Pourquoi et à partir de quelle situation des hommes sont-ils conduits à évaluer négativement la vie ? Ne pouvant s’y épanouir, font-ils de nécessité vertu en déconsidérant tout accomplissement ? Une telle hypothèse voit dans les conceptions humaines des symptômes à décrypter. Ainsi le philosophe tient à la fois du médecin et de l’interprète. Nietzsche invente la philosophie du soupçon pour déconstruire les présupposés de traditions rétrogrades et d’évaluations paradoxales qui disqualifient la vie. Un rappel de son œuvre iconoclaste permet de montrer la fécondité d’une nouvelle façon de pratiquer la critique philosophique.
Nietzsche l’intempestif
Friedrich Wilhelm Nietzsche naît le 15 octobre 1844, à Röcken. Son père est un pasteur luthérien, et sa famille porte en elle la part d’idéal ascétique propre à une certaine éthique protestante. De 1858 à 1864, il fait des études de théologie et de philologie. Il se passionne pour l’histoire des civilisations que permet l’approche des langues. Et très vite la philosophie prend en lui le relais du cours classique des études pour déboucher sur une interrogation qui met en jeu le sens de la condition humaine. Il s’éloigne alors