Société

Solidarité et fraternité contre l'exclusion des jeunes : Un axe fort de la fondation du Grand Orient de France Interview : Marcel Weyl

Organisme reconnu d’utilité publique par décret depuis 1987, la Fondation du Grand Orient de France intervient dans tous les domaines où l’homme et sa dignité sont en jeu. En 2016, 75 associations ont bénéficié de l’aide de la fondation, pour un montant total de 333 000 €. Parce qu’elle représente l’avenir de notre société, la jeunesse, rendue particulièrement vulnérable ces dernières années, figurera parmi les préoccupations majeures de la fondation dans les mois à venir. Une orientation que soutient activement Marcel Weyl, Secrétaire général de la fondation du Grand Orient de France.
 

Propos recueillis par Hélène Cuny
Hélène Cuny : Pourquoi avoir choisi le thème de l’exclusion des jeunes ?
Marcel Weyl :
En 2015 et 2016, la fondation a intensifié ses interventions auprès des enfants et des femmes. Cela signifie pour nous, promouvoir la protection des femmes contre les violences conjugales afin qu’elles gardent leur intégrité vis-à-vis de leurs enfants, favoriser l’éducation, combattre l’illettrisme. C’est également prendre en compte les situations de handicap des enfants. L’année dernière nous avons ainsi primé deux associations qui œuvrent dans le polyhandicap, l’association de Défense des polyhandicapés et l’Association française du Syndrome de Rett. Ces actions nous les menons en France, mais aussi à l’étranger, en Inde, en Amérique du Sud, et en Afrique.
Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont confrontés à l’exclusion qui a pris différents visages : exclusion du système scolaire ou professionnel par précarisation de l’emploi, mais aussi, parfois du cercle familial. Le Refuge est une association soutenue par la Fondation, accueillant des adolescents mis au ban de leur famille à cause de leur orientation sexuelle. La conséquence directe pour ces jeunes est l’isolement et, très souvent, la tombée dans la pauvreté, la crise de 2008 ne faisant qu’aggraver les choses. Nous ne pouvons rester inactifs face à une telle situation. C’est pourquoi nous avons décidé de concentrer nos efforts sur cette population et de remettre le prix de la Fondation pour l’année 2016 à une association qui travaille contre l’exclusion des enfants et des adolescents. Ce prix sera décerné au printemps 2017.

HC : En quoi est-ce un enjeu pour la franc-maçonnerie et notre société ?
MW :
La franc-maçonnerie se veut au service des valeurs humanistes et lutte contre toute forme d’exclusion. Notre société ne cesse pourtant de construire des motifs de discrimination et de rejet : il n’est que de constater le regard porté sur les migrants et les réfugiés, ou celui porté sur le mariage pour tous. Faut-il rappeler que les jeunes incarnent les piliers de notre futur ? L’exclusion nourrit le sentiment de ne pas maîtriser son destin, et de devenir invisible socialement. Les effets sur la personne sont multiples : ils affectent bien entendu ses ressources financières, ses droits sociaux, sa santé et ses relations. Comment ensuite se sentir citoyen d’une société dont on est exclu ? Comment se construire dignement et être acteur de sa vie dans ces conditions ? 

HC : Que pensez-vous des politiques publiques face à l’exclusion des jeunes ?
MW :
Si l’on se penche sur ce qui est mis en place par les différents acteurs pour lutter contre l’exclusion, on constate un manque patent d’efficacité. La pauvreté, corollaire de l’exclusion, ne cesse d’augmenter au sein de la population des jeunes, rendue très vulnérable économiquement. La part des 18-24 ans vivant sous le seuil des 960 € par mois a grimpé à 22,5 % en 2009 (+ 5 points par rapport à 2004) contre 13,5 % pour l’ensemble de la population*. L’État-providence ne permet plus aux jeunes, en tout cas pour beaucoup d’entre eux de devenir autonomes. Les inégalités se creusent, créant un fossé intergénérationnel. Les actions gouvernementales sont une chose, mais les mentalités doivent aussi évoluer et il nous faut renouer de toute urgence avec la solidarité. Édifier une société solidaire suppose une prise de conscience d’une interdépendance de tous ; or, il y a une tendance à cultiver aujourd’hui une forme de ressentiment qui voit dans « l’autre » un obstacle au bien-être collectif. C’est tout un chacun, par l’ouverture, par la discussion, par la confrontation des points de vue, qui fera bouger les lignes. 

HC : Les fondations et la fondation du Grand Orient de France sont-elles amenées à jouer un rôle croissant dans l’équilibre social ?
MW :
Les gouvernements se désengagent de plus en plus des actions sociétales : il semble que les besoins de première nécessité, le logement, la santé, l’éducation et l’accès à un emploi stable ne soient plus prioritaires face à la sécurité et au commerce. La France, qui a été à la pointe du progrès social peine à maintenir ce cap. Notre modèle d’État-providence montre des faiblesses. Demain, les fondations seront de plus en plus des acteurs clefs pour pallier toutes ces carences. Par ailleurs, une action gouvernementale s’inscrit toujours dans un cadre politique. Les fondations, quant à elles, fonctionnent en toute éthique et suivent leurs orientations, conformément aux valeurs qu’elles souhaitent promouvoir. Dans ce contexte, la Fondation du Grand Orient de France entend plus que jamais renforcer ses actions et participer au développement de la solidarité, clef de voûte pour réduire les inégalités. C’est le sens qu’elle donne à l’engagement dans la cité.

* Source : Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire

Les actions de la Fondation
Dotée d’une structure juridique solide, gage de sérieux pour les donateurs, la Fondation du Grand Orient de France décline ses actions autour de quatre grands axes (cinq avec le mécénat culturel) : l’enfance et l’éducation, les actions humanitaires, la défense et la promotion des institutions laïques et républicaines, l’assistance suite à des catastrophes naturelles. Une commission composée des membres du bureau de la fondation se réunit tous les mois afin de décider de la mise en route de projets, permettant une grande réactivité de la structure. D’année en année, les demandes d’aides s’accroissent. La fondation fonctionne en toute transparence sur l’attribution des fonds reçus. Ces données sont consultables sur le site Internet www.fondation-godf.org.

Quelques exemples :

Médecins du Monde  
Soutien dans le cadre des actions menées en faveur des mineurs non accompagnés 
Montant attribué par la fondation : 6000 €

Femmes solidaires 
Prévention contre les violences et aide à la mise en place de débats sur la laïcité dans les villes et les quartiers les plus en difficulté.
Montant attribué par la fondation : 6000 €

Les toiles enchantées
Soutien aux projections cinématographiques organisées à destination des enfants malades ou handicapés, au sein de structures hospitalières.
Montant attribué par la fondation : 5000 €

Compagnie les passeurs d’ondes 
Soutien à la compagnie dans le cadre de son projet de spectacle pédagogique sur la laïcité, Diderot, la Fidèle et l’Encyclopédiste.
Montant attribué par la fondation : 2500 €

Fraternité générale 
Soutien à la réalisation de clips audiovisuels sur la Fraternité au sein de la campagne publicitaire programmée du 2 au 10 novembre 2016
Montant attribué par la fondation : 15 000 €

La Vita 
Soutien dans le cadre d’actions d’aides aux jeunes en souffrance psychique
Montant attribué par la fondation : 6000 €

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