« Frère Tuileur, avant de faire entrer le prochain impétrant, prenez votre seau et votre balai et faites votre office ! » Est-ce une phrase prononcée en loge au XVIIIe siècle ? Rien n’est moins sûr.
Avant d’avoir pour symbole une épée nue, le Tuileur au XVIIIe siècle avait des fonctions bien différentes de celles que nous lui connaissons. Nommé « portier » ou « gardien de porte » dans les premiers textes, on parle de lui indirectement dans les Constitutions de 1723 puis dans les travaux de Grande loge de 1728. Le tuileur apparait dès Le Dialogue entre Simon et Philipp sous l’orthographe « tiler », tranchant avec la graphie « tyler » que nous lui connaissons désormais et qui apparait dans les Minutes de la Grande Loge du 8 juin 1732. Pourtant, dans les Constitutions d’Anderson de 1738 il est noté : « Sayer, Grand Maître, commanda aux Maîtres et Surveillants de Loges de rencontrer les Grands Officiers chaque trimestre pour communication à l’endroit qu’il indiquerait dans ses convocations envoyées par le Tuileur ». On reconnait donc au tuileur au départ deux fonctions principales, celle de garder la porte de la loge, et celle de faire parvenir aux frères les convocations. Mais une troisième fonction, rémunérée cette fois se développera dans la première moitié du XVIIIe siècle : celle de dessiner la loge et de passer le balai. On en trouve ainsi trace dans les cahiers de la Loge Dundee N° 9 de Wapping où de 1748 à 1812 l’on découvre que le tuileur était en charge de tracer puis de nettoyer avec une serpillère les symboles au sol après chaque réception d’apprenti afin que nul « Cowan » ne puisse se voir révéler de secrets… Pourquoi 1748 ? Eh bien parce que le cahier commence à cette date. Mais il n’est pas interdit de songer que cette tradition qui se retrouve dans d’autres loges fut antérieure à cette date, et l’on comprend également beaucoup mieux ainsi pourquoi il est d’usage au Rite anglais de style Émulation de ne marquer les angles que lors des cérémonies : pour éviter d’effacer du pied ce qui avait été dessiné par le tuileur ! La maçonnerie n’étant pas figée en ce temps-là, des variantes existaient et comme le signale Arthur Heiron dans le numéro 37 d’Ars Quatuor Coronatorum, il n’est pas exclu de penser qu’il revenait au dernier apprenti entré de nettoyer ce sol afin que les symboles soient dessinés à nouveau, sachant qu’à l’époque, les initiations pouvaient être au nombre de 6 à la suite dans la même soirée !
De nos jours, nous ne vous conseillons pas de tendre un seau et un balai au tuileur d’une loge anglaise, car, généralement, ce rôle est affecté à des frères de grande expérience, ayant été vénérables maîtres puis vénérables maîtres installés. Vous risqueriez alors de trouver porte close à votre prochaine venue…