C’est la rencontre en 2005 du professeur Rein, chef de service de cardiologie pédiatrique à l’hôpital Hadassah de Jérusalem, qui pousse Muriel Haïm, médecin généraliste de formation, à fonder l’association Un cœur pour la Paix. La vocation de la nouvelle structure est claire : permettre à des enfants palestiniens atteints de malformations cardiaques d’être opérés. Depuis 2008, la Fondation du Grand Orient de France soutient Un cœur pour la paix.
Hélène Cuny : Quelles sont les missions d’Un cœur pour la paix ?
Muriel Haïm : Notre objectif est de faire opérer les enfants, de proposer des soins et de rapprocher Israéliens et Palestiniens en créant un climat de confiance. Avant les accords d’Oslo de 1995, l’armée israélienne était responsable de la santé en Cisjordanie. Après les accords, l’autorité palestinienne, comme beaucoup de pays en voie de développement a privilégié les structures de soins primaires au détriment des opérations plus complexes et couteuses. Face à l’injustice d’une telle situation est née l’idée de créer Un cœur pour la paix.
HC : Combien d’enfants sont opérés à Hadassah ?
MH : Nous en opérons entre 55 et 65 par an et la plupart des enfants viennent d’Hébron. Le coût total d’une opération s’élève à 18 000 €. La moitié de ce coût est supporté par l’hôpital Hadassah, l’autre par Un cœur pour la paix. La démarche de la Fondation de nous suivre sur le long terme est à la fois exceptionnelle et rassurante pour nous, car elle nous permet d’opérer un enfant par an. Les opérations se font essentiellement à cœur fermé avec un cathéter ce qui évite les risques infectieux et la rééducation respiratoire (98 % de taux de réussite). 24 heures après l’intervention, l’enfant rentre à la maison.
HC : Depuis la création d’Un cœur pour la paix, comment a évolué le climat de confiance ?
MH : Il est très positif, malgré un contexte politique, mais aussi social difficile. Le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Toutes les malformations sont d’origine génétique, conséquence de la forte proportion de mariages consanguins (1 mariage sur 2). Pour endiguer ce phénomène, nous menons des actions de prévention grâce à des conseillères en génétiques. Nous faisons appel à des femmes palestiniennes que nous formons. Elles bénéficient de la confiance des mères et d’une légitimité, car elles travaillent, sont mariées et ont des enfants. Leur objectif est avant tout de déculpabiliser ces mères qui trop souvent ont intériorisé une forme de soumission et pensent que la malformation de leur enfant relève de la punition divine. Il faut donc rassurer, expliquer. Aujourd’hui, nous avons 60 médecins palestiniens en formation à Adassah et les autorités palestiniennes sont en passe de reprendre une partie du financement des opérations. C’est déjà une belle réussite, mais à terme, le succès sera total lorsque notre présence ne sera plus indispensable.