Le regard de la Joconde suit-il vraiment la personne qui se déplace autour d’elle ? Oui. Du moins en apparence. Les visiteurs du Louvre peuvent en faire l’expérience et s’étonner du prodige apparent, rendu possible par l’ingéniosité de Léonard de Vinci. Le phénomène optique est bien réel, alors que la représentation peinte est immobile. De même une tour carrée, perçue de loin, semble ronde, car à une certaine distance on ne discerne plus les arêtes de l’édifice. Nombre d’apparences font illusion, c’est-à-dire, littéralement, se jouent de nous . D’où la difficulté de rechercher la vérité, essentielle à la lucidité. Il faut alors se délivrer des apparences en s’efforçant de saisir le réel tel qu’il est en soi, indépendamment de la façon dont il se donne à nous. La tâche n’est pas aisée. Et nos croyances brouillent d’autant plus les choses qu’elles se prennent souvent pour des connaissances objectives. Qu’est-ce que le réel ?
Gaston Bachelard nous avertit : « La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais “ce qu’on pourrait croire” mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. » Pour la philosophie, la définition rigoureuse d’une notion aussi usuelle que celle de réel est essentielle. Les mots sont en effet des vecteurs de représentations plus ou moins maîtrisées, qui elles-mêmes induisent des effets idéologique