Que les amateurs de bande-dessinée se réjouissent ! En septembre, paraissent aux éditions Glénat les tomes 1 et 2 de L’Épopée de la franc-maçonnerie. Sous la plume de Didier Convard*, cette nouvelle saga retrace dans un scénario inédit l’histoire et les origines de la franc-maçonnerie. Entretien.
* Didier Convard est également l’auteur, chez Glénat de la célèbre série ésotérique Le Triangle secret.
Hélène Cuny : Comment est né le projet de L’Épopée ?
Didier Convard : L’Épopée vient d’une intention commune entre Jacques Glénat et moi. L’intérêt suscité par Le Triangle secret nous a poussés à imaginer un projet dans lequel la franc-maçonnerie serait au cœur de l’intrigue ; mais, je ne souhaitais pas aborder ce thème sous l’angle didactique (quand elle née, pourquoi…), encore moins en avoir une approche déjà vue et développée par certains marronniers. Il me fallait une trame romanesque, qui mette en lumière les valeurs de la franc-maçonnerie. Pour cette raison j’ai choisi d’entreprendre une épopée.
HC : Comment vont s’articuler les tomes ?
DC : L’Épopée comprendra douze tomes qui seront publiés à raison de trois par an. Nous allons couvrir des époques où la franc-maçonnerie a ouvert de vastes chapitres : des précurseurs avec les bâtisseurs de cathédrales au Moyen Âge, William Shaw, l’Écosse, Voltaire au XVIIIe siècle et la loge des Neuf sœurs, Napoléon et l’Empire avec la question de savoir s’il a été initié, la Commune, grand chapitre de notre histoire politique et sociale, l’antimaçonnisme et l’émergence au XXe siècle de la franc-maçonnerie féminine. Comme on peut le voir, l’histoire de la franc-maçonnerie se conjugue avec la « grande » histoire. C’est aussi tout l’intérêt de L’Épopée.
HC : Justement, sur quelles sources historiques vous êtes-vous appuyé ?
DC : Bien que romancée, cette épopée est construite sur une trame tout à fait réelle et historique. À noter que chaque tome se termine par un cahier spécial qui vient éclairer le lecteur sur certains aspects. Même sur le mythe d’Hiram et la construction du temple de Salomon sur lesquels on a peu d’informations, j’ai travaillé à partir de documents, notamment de la Bible, et avec le concours d’historiens de la Grande Loge de France. Je collabore également avec Jean-Christophe Camus pour le scénario. Tout ceci nous a permis d’asseoir notre histoire sur des bases solides.
HC : Le paysage maçonnique est multiple, abordez-vous ces questions ?
DC : Non, absolument pas. Pour des lecteurs non maçons, cela pourrait sembler trop complexe. Quelles obédiences ont des liens entre elles ? Lesquelles n’en ont pas ? Qui est accepté, qui ne l’est pas ? J’ai souhaité aborder la franc-maçonnerie en général.
HC : Existe-t-il un fil conducteur que l’on retrouve sur tous les tomes ?
DC : L’intention première est de montrer que la franc-maçonnerie est avant tout une épopée humaine, de femmes et d’hommes. Il faut remarquer qu’à chaque épisode les femmes sont présentes. On retrouve un fil conducteur dans la pierre brisée issue du temple de Salomon et sur laquelle ont été gravés par Dieu ou le Grand architecte les trois symboles des religions du livre. Brisée, cette pierre symbolise que la fraternité est morte. Il faudra la reconstituer pour que renaisse la fraternité dans l’esprit des Hommes.
HC : Ce choix de faire d’emblée figurer les trois religions du livre n’est pas anodin. On retrouve un thème qui vous est cher : la religion.
DC : En effet, c’est un peu un leitmotiv chez moi ! Au départ, dans l’idée d’une tradition primordiale, la religion a pour fondement de relier les êtres entre eux, elle donne des réponses philosophiques face à certains mystères. Mais force est de constater que les religions ont plus divisé que réuni et se sont octroyées et partagées un pouvoir à la fois spirituel et temporel. La franc-maçonnerie a une approche radicalement opposée : elle accepte, tolère et n’exclut pas.
HC : Vous évoquez le Grand architecte, pourtant dans le tome 1, L’ombre d’Hiram, il n’y est jamais fait référence. Pourquoi ce choix ?
DC : Le terme de Grand architecte apparait dans L’Épopée au moment où intervient la franc-maçonnerie. Dans des temps plus reculés, les Hommes parlaient de Dieu, terme qu’ils employaient pour désigner une entité supérieure. Pourtant, on peut déjà déceler les prémices de l’incarnation du Grand Architecte de l’Univers dans l’esprit humain. C’est d’ailleurs ce qu’il faut comprendre dans les propos de l’architecte Hiram, venu bâtir le temple de Salomon : « Mère, tu sais bien que mon dieu n’a pas de nom. Il est universel et peu susceptible. »
HC : Justement, pour finir parlons d’Hiram, personnage clef du tome 1…
DC : À travers cette épopée se dresse la volonté de tracer le portrait de personnages exemplaires. Hiram compte parmi eux. Architecte, venu bâtir le temple de Salomon, Hiram est assassiné. J’ai symbolisé l’acte de tuer Hiram, mais, pour autant, je ne voulais pas faire de lui un dieu ou un Jésus-Christ, nimbé d’une auréole. Il est un homme, de chair et d’os, un bâtisseur, il n’est pas exempt de passions, il aime, il a des défauts – l’orgueil –, des qualités. Mon intention est bien ici de montrer que tous les Hommes sont perfectibles. C’est finalement ce que l’on retrouve en loges. Nous, francs-maçons ne sommes pas mieux que les autres, mais nous cherchons à nous parfaire. Hiram par l’exemple qu’il donne imprime sa marque dans l’esprit humain. Le mythe d’Hiram se trouve au cœur du grade de maitre, qui vient après celui de compagnon et d’apprenti. Je suis donc parti de la fin pour remonter le fil de l’initiation. L’Épopée s’adresse aux maçons, mais aussi au monde profane, il est donc important à mes yeux de montrer que la franc-maçonnerie a un but. Et quel but !