Culture

Bacchus, vendanges et libations

Bien que discrets voire secrets sur leurs pratiques, il est notoire que les francs-maçons apprécient les symboles liés à la vigne et au vin lors de leurs agapes, notamment pendant les banquets d’ordre rythmés par de nombreux rituels de « santés ».

La culture de la vigne est très ancienne et semble s’être d’abord développée en Orient (Géorgie) il y aurait plus de 7000 ans avant notre ère, puis au Moyen-Orient (Liban) et en Égypte. Et toutes les religions (ou systèmes de pensée) ont intégré d’une manière ou d’une autre que le vin était un symbole de perception extrasensorielle, donc d’introspection permettant une exploration de la nature humaine.
Dans la Rome antique déjà, Jupiter (Zeus chez les Grecs) n’est-il pas tombé amoureux de Ganymède, un jeune éphèbe qu’il institua échanson dans l’Olympe ? Quant à Bacchus (Dionysos chez les Grecs), il était le Dieu de la vigne et du vin, de la débauche et des orgies et les Bacchanales étaient de grandes fêtes données en son honneur. Le chœur des Bacchantes, dont Méthée, sa propre fille qui symbolisait l’allégorie de l’ivresse, et une autre appelée Oinanthé (qui signifie la vigne en fleur) chantait ses louanges. Car l’ivresse n’était pas perçue comme une déviation, mais plutôt comme un hommage au vin, fils de la vigne et du travail de l’homme, comme un breuvage d’unification. Et même si ces fêtes religieuses célébrées à Rome furent interdites par le Sénat en 186 av. J.-C., la symbolique de la patience, du travail, et de l’amour de cette transformation a perduré.

Chez les chrétiens
Cette symbolique est d’ailleurs passée dans la religion chrétienne, ne serait-ce qu’avec l’eucharistie.
Un peu d’humour ne nuisant pas, rappelons que selon Bérurier, l’inénarrable adjoint du commissaire San Antonio dans la saga éponyme, c’est le vin qui a fait la suprématie de la religion catholique, comme il l’explique savoureusement dans N’en jetez plus ! (1971) :
« Tu connais, toi une autre religion basée sur le picrate ? Le Jésus de l’Enfant Marie qui change la flotte en rouquin. Qui cabaliste sur du pinard en affirmant comme quoi que c’est son sang ! Et dont on célèbre la messe en se filant du muscadet plein le ciboire. Si t’en sais d’autres, j’suis preneur ! Moi, j’estime que religion pour religion, autant s’en farcir une qui t’incite au godet ! Une qui prend sa source dans un pied de vigne, bon dieu de foutre ! »

La symbolique chez les francs-maçons
Institution philanthropique, philosophique et progressive, la franc-maçonnerie a érigé le partage du vin en un moment de plaisir, d’échange, de convivialité, en un signe de sociabilité, d’où les nombreuses « santés » portées lors des tenues. Métaphoriquement, la transformation d’un grain de raisin en vin, c’est presque celle d’un franc-maçon en initié.
L’important, c’est d’avoir soif. Soif de connaissances, de connaissance de soi. Et se désaltérer — littéralement « ne plus être altéré » — c’est-à-dire se dés-abîmer (se sortir de l’abîme), n’est-ce pas un grand pas vers la sagesse ? Septembre étant le mois des vendanges, les libations sont donc plus que jamais rituelles dans les loges.

Bacchus franc-maçon
Il existe un cantique maçonnique en 9 couplets « La réception de Bacchus ou Bacchus franc-maçon » écrit en 1810 par le Frère J. A. Jacquelin pour la Lyre maçonnique et reproduite par l’auteur en 1816 dans son Chansonnier franc-maçon.
En voici le 1er et le 7e couplets :

« L’amour a reçu la lumière
  Je prétends aussi, dit Bacchus,
  Des Francs-Maçons être le frère :
  Je vaux bien le fils de Vénus !
  L’amour inspire la tristesse ;
  Le vin nous rend gais et contens.
  On n’aime que dans la jeunesse ;
  On peut boire dans tous les tems. »
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« — On va vous donner la lumière :
  Au troisième coup de maillet,
  Un, deux et trois, vous êtes Frère.
  Passons aux travaux du Banquet.
  — C’est là, dit Bacchus, mon vrai centre,
  Cet atelier m’est départi :
  Et l’on s’aperçoit à mon ventre
  Que je n’y suis pas apprenti. »
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