Roger-Pol Droit concluait son livre intitulé L’oubli de l’Inde : une amnésie philosophique (Seuil, Paris 2004) par une belle formule : « Mettre à l’épreuve de l’Autre l’étrangeté du Même. » Quand donc ce qui nous est familier devient-il étrange ? Sans doute quand le familier, devenu par habitude une seconde nature nous dérange. Le « regard éloigné » cher à Claude Lévi-Strauss met à l’épreuve nos certitudes. Les représentations qui nous guident seraient-elles trompeuses, voire fausses ? Rien de tel que le décentrement critique pour nous en aviser. L’Occident peut-il oublier l’Inde et ses visions du monde ? Peut-on prétendre détenir l’universel sans s’être confronté à d’autres façons d’être, à d’autres horizons ? Telle est la question qui a sous-tendu l’orientalisme chez un philosophe comme Schopenhauer, admirateur du bouddhisme dans lequel il voyait une philosophie saisissante de justice et de vérité. Détournons-nous des contresens hâtifs de Victor Cousin, qui voulait voir dans le bouddhisme un « culte du néant ». Tentons de saisir la portée du bouddhisme, par-delà les étrangetés apparentes qui semblent nous en séparer, peut-être à tort.
Il était une fois... Le récit biographique tente de dégager Bouddha de l’auréole légendaire qui entoure l’homme. Une tâche difficile pour celui qui va être appelé « L’éveillé », sens littéral du nom « Bouddha » (du verbe sanskrit budh : s’éveiller), mais aussi Sakyamuni, le sage de Sakya. Pourtant cet homme ne se prétendra ni prophète ni incarnation d’un Dieu, ni même inspiré par une source divine. Guru, (en sanskrit, un maître spirituel) Bouddha le sera, mais à la façon d’un précepteur sans prétention, voire d’un instituteur qui n’i