De quoi dépend notre vie affective ? Pouvons-nous en acquérir la maîtrise ? Quel rôle peut y jouer la raison ? Ces questions mettent en jeu l’enfance comme première phase de l’expérience vécue et des rencontres qui la marquent, avec leur lot d’émotions, qui s’inscrivent dans la mémoire. Est-ce « le vert paradis des amours enfantines » qu’évoque Baudelaire sur un mode nostalgique dans Moesta et Errabunda — Triste et Vagabonde — (Spleen et Idéal), ou « le temps retrouvé » par Marcel Proust au cours d’une recherche attentive dans l’entrelacs des souvenirs intimes ? Descartes ne s’inscrit pas dans cette approche littéraire. Il cherche à expliquer le rapport entre une enfance d’émotions passives et une vie adulte émancipée par la raison. Suivons-le dans son récit et ses confidences, avec à la clef une belle leçon de philosophie. Voici une lettre légendaire sur la mémoire amoureuse de Descartes. La théorie vient d’abord, l’exemple personnel ensuite, la recommandation du sage enfin.
À son correspondant Chanut qui l’interroge sur les ressorts de la vie affective, et notamment des inclinations amoureuses, le philosophe entreprend de répondre rigoureusement, mais aussi de façon très personnelle. Il l’avertit d’emblée en fixant les jalons de son analyse. « Je passe maintenant à votre question, touchant les causes qui nous incitent souvent à aimer une personne plutôt qu’une autre, avant que nous en connaissions le mérite ; et j’en remarque deux, qui sont, l’une dans l’esprit, et l’autre dans le corps. Mais pour celle qui n’est qu