Naples, et ce qui fut le royaume de Naples sous l’empire napoléonien occupent une place essentielle dans l’histoire de la maçonnerie en général et de la maçonnerie occultiste et « égyptienne » en particulier.
L’Ordre s’y était installé dans la première moitié du XVIIIème siècle, sous la forme de loges indépendantes, aristocratiques et militaires, fortement liées à des familles princières locales comme celle de Raimondo di Sangro, prince de Sansevero, passé à la postérité pour avoir fait réaliser les étranges et effrayants décors de la chapelle Santa Maria della pietà, aujourd’hui haut lieu du tourisme napolitain.
À la même époque, le chevalier Luigi d’Acquino fonda la loge La Stella en relation avec la loge mère écossaise de Marseille. Il introduisit la légende templière, se posant ainsi en précurseur de la Stricte Observance Templière allemande. Autre personnage haut en couleur, le baron Louis de Tschoudy, fondateur de plusieurs loges dans la région de Metz s’illustra à Naples en rédigeant deux pamphlets réagissant contre les bulles papales prononçant le bannissement de la maçonnerie.
Mais cette galerie de portraits serait incomplète si l’on n’y rencontrait la haute figure de Joseph Balsamo, alias Cagliostro qui prétendit que ses « connaissances » alchimiques lui avaient été enseignées à Naples, par « un Prince qui avait une grande passion pour la chimie ».
Certains avancent que le système des Arcana Arcanorum dit « Échelle de Naples », en vigueur dans les hauts grades du rite égyptien de Misraïm aurait été transmis au « Grand Cophte » dans les milieux occultistes napolitains. Plus vraisemblablement, c’est aux inventeurs du rite de Misraïm, les frères Bédarrides qui servaient dans l’armée de Joachim Murat devenu roi de Naples sous l’Empire, que l’on doit, sinon l’invention, du moins la transmission de ces mystérieuses arcanes qui continuent de faire couler et feront encore couler beaucoup d’encre.
Et pas que de l’encre. Dans les loges de Naples, quand on porte des santés, c’est parfois en faisant couler dans les verres, le fameux Lacrima Christi. Les vins du Vésuve, déjà appréciés à l’époque romaine sont issus de vignobles situés sur les pentes du volcan. Au fil des siècles, la renommée de ce vin s’est assise sur la légende selon laquelle « Dieu reconnaissant dans le golfe de Naples un lambeau du ciel arraché par Lucifer pendant sa chute vers les enfers, pleura et là où les larmes divines tombèrent surgit la vigne du Lacrima Christi ». Curzio Malaparte dans son roman La peau rappelle cette légende en invitant à boire questo sacro, antico vino. Ce vin est donc autant ancré dans l’histoire napolitaine que les mystères attachés à l’histoire de l’art royal dans cette ville fascinante.