Sélection littéraire

La sélection littéraire du n°84

La peur du peuple. Histoire de la IIe République - La machine de Pascal - Pour un féminisme universel - Histoire de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (1899-1940)

Essai
La peur du peuple. Histoire de la IIe République 
De Marie-Hélène Baylac
Éditions Perrin
480 pages – 28 €

1848 : Louis-Philippe, roi des Français, est chassé du pouvoir, une République s’installe et se construit au jour le jour, contre vents et marées. On connait la suite, et même la fin… un coup d’État en décembre 1851, l’enterrement de la République, et un empereur jusque 1870. Trois ans se déroulent sous nos yeux, au fil de pages vivantes. Bien sûr, l’autrice ne néglige pas la chronologie des événements, et ils ne manquent pas ! Mais elle va plus loin, et sous sa plume émergent des thèmes qui nous parlent aujourd’hui encore : le rêve d’un monde meilleur, le rôle et la place du peuple, la fracture entre les gauches et les droites, la question sociale, le suffrage universel, les antagonismes entre Paris et la province. On comprend vite, au fil des pages, que cette nouvelle République ne sera pas socialiste, ni même sociale, mais « honnête et modérée », pour reprendre l’expression de Garnier-Pagès. Bientôt, l’instabilité s’installe, le droit triomphe sur la rue, les masses populaires s’éloignent, le parti de l’ordre récupère la mise. Les « républicains modérés » qui l’ont emporté un moment n’étaient-ils que modérément républicains ? Les portraits d’acteurs de premier plan abondent : Lamartine, Hugo, Louis Blanc et tant d’autres. Quelques femmes aussi sont présentes, bien sûr George Sand, mais leur heure n’avait pas sonné. Un livre foisonnant, bien loin des images d’Épinal. Denis Lefebvre

Essai
La machine de Pascal 
De Laurent Lemire
Éditions Grasset
143 pages – 16,50 €

Décédé à 39 ans en 1662, « cet effrayant génie », pour reprendre les mots de Chateaubriand, a voulu dompter les chiffres : il a conçu à 19 ans une machine arithmétique qui a préfiguré les calculatrices, c’était bien avant les ordinateurs… Effrayant génie ? Peut-être. En tout cas, un homme qui s’est démultiplié en permanence : penseur cloitré et solitaire, mystique, mondain, ferraillant contre les Jésuites, critique de l’absolutisme, écrivain, mathématicien, concepteur des premiers autobus parisiens, auteur des célèbres Pensées, passées à la postérité… Centré sur la fameuse machine, Laurent Lemire aborde finalement tous ces aspects de Pascal dans son nouveau livre passionnant. Si la « Pascaline » est bien sûr au centre de son livre, nous vivons avec le jeune homme, partageons ses efforts, sa rage, ses doutes souvent, car les chiffres ne se laissent pas facilement apprivoiser. Il y consacre dix ans de sa vie. L’auteur nous décrit tout cela par le menu, en ne négligeant pas le contexte dans lequel Pascal évolue, sa famille, Rouen et Paris. À cet égard, les descriptions de Rouen sont très belles. L’auteur n’oublie pas davantage de nous faire vivre son héros, ainsi ses souffrances physiques, alors qu’il sait que le temps lui est compté, et nous saisissons au plus près son rapport à la foi. L’infini est à portée de sa main, de son esprit. Pour nous aussi. Nous vibrons avec Pascal, et Laurent Lemire est le meilleur des guides. Denis Lefebvre

Essai
Pour un féminisme universel
De Martine Storti
Éditions du Seuil et La République des idées
104 pages – 11,80 €

Pourquoi plaider pour un féminisme universel ? La philosophe et journaliste Martine Storti fait le constat d’un féminisme qui aujourd’hui se trouve sur la ligne de crête, courant le risque d’être vidé de sa substance tant il est adjectivé : il serait « blanc », « black », « afro », « antiraciste », « décolonial »… La liste est longue et traduit selon l’auteure des amalgames et des confusions. « L’approche décoloniale considère que la modernité européenne est intrinsèquement coloniale et destructrice : le féminisme en étant issu, il faut proposer un autre récit, » nous dit-elle. Conséquence d’une telle conception, Olympe de Gouges au XVIIIe siècle et Hubertine Auclert au XIXe siècle sont d’emblée disqualifiées. À côté de ces amalgames, le féminisme est instrumentalisé à des fins identitaires, battant en brèche l’universalisme républicain, car la lutte pour la liberté et l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas une lutte pour une minorité, explique Martine Storti. C’est bien plus, et cela suppose un changement de toute la société. In fine l’auteure avance le principe de sororité basé sur une mise en commun des forces et sur la solidarité à rebours de visions qui ne font qu’opposer et diviser. Un propos clair, argumenté qui mérite une lecture attentive. 

Essai
Histoire de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (1899-1940)
De Francis Delon
Éditions de la Tarente
540 pages – 47 €

C’est une somme, mais elle mérite le détour pour qui s’intéresse à l’histoire de la franc-maçonnerie, en particulier à celle retraçant la création de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises (GLNIR) qui deviendra l’actuelle Grande Loge Nationale Française (GLNF). L’ouvrage comporte deux tomes réunis en un seul volume. Dans le premier, Francis Delon, s’appuyant sur des archives encore jamais exploitées, le fonds Édouard de Ribeaucourt – fonds qui porte le nom d’une des figures de proue de la création de cette toute nouvelle « Grande Loge » en 1913 – et sur celles de la GLNF, se livre à un véritable travail d’enquête. Il révèle notamment pourquoi et comment Édouard de Ribeaucourt, frère assidu du Grand Orient de France a tourné le dos à son obédience et le rôle joué par la Grande Loge Unie d’Angleterre ; tout en n’omettant pas de replacer son étude dans le contexte historique et social de l’époque. Le tome deux, allant de 1918 à 1940 intitulé « L’affirmation d’une maçonnerie anglophone » insiste sur les nouveaux défis à relever par la GLNIR dans le sillage d’une maçonnerie anglo-saxonne. Un ouvrage remarquable.

Et aussi…
Kadosh – Francs-maçons Templiers
D’André Kervella
Éditions Numérilivre

Exercices spirituels antiques et Franc-maçonnerie
De Jean-François Guerry
Éditions Ubik

La symbolique en franc-maçonnerie
L’apprenti
Textes : Alain Queruel
Enluminures : Jean-Luc Leguay

Le temple symbolique des francs-maçons
De Dominique Jardin
Éditions Dervy

Retrouver cet article

Retrouvez également cet article sur notre magazine n° Magazine n84

Newsletter

Tenez-vous au courant de nos dernières nouvelles!