Sélection littéraire

La sélection littéraire du n°85

Moïse et l’humanisme - Gambetta - Histoire illustrée du Rite Écossais Rectifié - Et Dieu dans tout ça ? - La franc-maçonnerie en Guadeloupe, miroir d’une société coloniale en tensions (1770-1848) - Pour la souveraineté du peuple 

Essai
Moïse et l’humanisme
De François Rachline
Éditions Hermann
150 pages – 15 €

Se peut-il que la question du divin n’ait pas constitué l’essentiel du message biblique et que Moïse soit d’abord le fondateur d’une éthique libératrice, l’humanisme ? Tel est le propos du bref essai de François Rachline, économiste, romancier et essayiste. En analysant la bible hébraïque, l’auteur affirme qu’il peut en être fait deux lectures différentes. « Le destin historique de la première a occulté la présence de la seconde. L’une débouche sur un monothéisme, l’autre sur un humanisme, qui n’est pas incompatible avec l’athéisme », explique ainsi François Rachline. Il est ici beaucoup question des Dix Commandements, dont il rappelle que les prescriptions, évidentes pour nous aujourd’hui, heurtaient frontalement le sens commun lorsqu’ils ont été édictés. L’humanisme « relève d’une conquête, celle qui permet de l’emporter sur soi. Un travail incessant qui n’a pas de fin ». En convoquant Érasme, Rabelais, Descartes, Kant, Darwin ou Freud, l’auteur consacre d’utiles éclairages à l’exploration d’une notion galvaudée, même si cet humanisme est concurrencé par « la possible déshumanisation de l’homme ». Enfin, François Rachline propose d’examiner l’identité à l’aide du Décalogue, qui nous rappelle « que nous ne pouvons jamais nous arrêter à un “je suis”, et qu’en nous ne cesse de s’affirmer un “je deviens” ». En conquérant sa propre liberté, l’homme ne peut figer celle-ci sans contredire le sens même de l’humanisme. Philippe Foussier

Essai
Gambetta
De Gérard Hunger
Éditions Perrin
480 pages – 25 €

Auteur d’une bonne poignée de biographies et d’essais historiques, de Lamartine à Aristide Briand, Gérard Unger s’attaque cette fois à Léon Gambetta, qui bénéficie de nombreux espaces et lieux à travers le pays… Mais qui est-il ? Ce franc-maçon du Grand Orient de France, initié en 1869 à la loge marseillaise La Réforme est partout… et nulle part. Il est l’homme des « temps obscurs » mis en scène par Daniel Halévy dans un de ses essais, moments marqués par la fin du Second Empire, la Commune de Paris, l’installation difficile de la IIIe République dont ce fils de Génois né en en 1838 à Cahors est un des pères, peut-être même « le » père, pas moins. L’auteur nous brosse par le menu la vie de cet homme : le député de Paris sous l’Empire, celui qui a incarné la défense nationale, le républicain face à l’ordre moral, certes qualifié d’opportuniste, mot à connotation de nos jours péjorative. Pour lui, l’opportunisme est une « politique de la raison », une « politique des résultats ». Il n’exerce le pouvoir, comme président du Conseil, que trois mois, renversé en janvier 1882 par une coalition des grands partis, sans doute trop populaire. Il décède en décembre de la même année… et le conseil des ministres décide, une première dans l’histoire de la République, des obsèques nationales. En 1920, son cœur est transféré au Panthéon.
Gérard Unger ne néglige dans cette biographie aucun développement pour nous faire comprendre qui était cet homme, son action. Les trente dernières pages retiennent tout particulièrement l’attention et la réflexion, qu’on peut résumer autour de quelques mots : république, patriotisme, libertés publiques, pouvoir exécutif fort. De quoi méditer aujourd’hui encore… Denis Lefebvre

Essai
La franc-maçonnerie en Guadeloupe, miroir d’une société coloniale en tensions (1770-1848)
De Chloë Duflo-Ciccotelli  
Presses universitaires de Bordeaux 
372 pages – 20 €

Le titre de cet ouvrage (fruit d’un travail universitaire) explique les objectifs de l’autrice et les limites chronologiques qu’elle s’est fixés : la franc-maçonnerie dans le microcosme de la Guadeloupe pendant près de 80 ans, de la veille de la Révolution française aux années précédant la Révolution de 1848. Rien n’est simple dans cette affaire, mais Chloë Duflo-Ciccotelli, avec méthode et rigueur, après avoir brassé de nombreuses sources, nous aide à nous y retrouver.
Avec elle, nous plongeons donc dans un microcosme, à des milliers de kilomètres de la métropole et de la maison-mère de la franc-maçonnerie, qui plus est dans une société très hiérarchisée, cloisonnée, sans oublier l’esclavage qui induit (entre autres) des préjugés de couleur. « Il faudra, écrit l’autrice, attendre 1835 pour que les ateliers accueillent des gens de couleur au même titre que les Blancs » : une question qui a divisé les frères pendant de longues années !
Ce livre ouvre de nombreuses pistes. On y mesure par exemple combien cette franc-maçonnerie est le reflet du monde colonial, même si les tensions sont bien présentes : l’atelier est un miroir des rapports de force civils. Les développements sur la Révolution de 1789 et les années qui ont suivi sont du plus grand intérêt, et jusque-là peu étudiés. On trouve des frères dans chaque « camp », et la division est intense, mais le consensus est total autour de l’esclavage. Cet essai mérite une lecture attentive. Denis Lefebvre

Essai
Pour la souveraineté du peuple
Nous sommes tous des constituants
De André Bellon et Jean-Pierre Crépin
Éditions L’Harmattan
128 pages – 14 €

Alors même que consommer est devenu plus important que voter, qu’est-ce qu’être citoyen aujourd’hui ? Le débat public, ferment de la démocratie, existe-t-il encore ? En pleine crise du Covid, André Bellon, fondateur de l’Association pour une Constituante et Jean-Pierre Crépin, économiste et lanceur d’alerte, partagent leurs réflexions, sans langue de bois, sur la nécessité d’un retour à la souveraineté du peuple, depuis trop longtemps bafouée. Ils reviennent notamment sur le mouvement des gilets jaunes : « Jamais un mouvement n’aura été aussi calomnié. Ce surgissement désordonné a démontré que notre modèle représentatif était à bout de souffle » explique Jean-Pierre Crépin. Dans la ligne de mire, la connivence entretenue entre pouvoir et néolibéralisme avec pour conséquence, d’année en année la montée d’un malaise chez les citoyens et la remise en cause des institutions. L’enjeu est de taille. « Être citoyen, c’est bénéficier d’un statut qui ouvre des droits, impose des obligations, et impose de participer à la vie de la cité, c’est avoir cette part de souveraineté que lui confère la Constitution lui permettant de présider, ainsi à la destinée de la nation. » nous dit André Bellon. Les citoyens veulent retrouver le pouvoir d’agir sur leur propre vie tout en faisant société collectivement. Loin de céder à la fatalité, refonder nos institutions afin qu’elles deviennent l’instrument de la souveraineté du peuple apparait nécessaire. Un livre, force de proposition, pour y voir clair.

Essai
Histoire illustrée du Rite Écossais Rectifié
De Roger Dachez  
Éditions Dervy
188 pages – 19,90 €

Historien de la franc-maçonnerie, Roger Dachez n’en est pas à son coup d’essai. Il s’engage cette fois sur le chemin encore peu défriché du Rite Écossais Rectifié pour en proposer une histoire qui si elle n’a rien d’un long fleuve tranquille s’avère absolument fascinante. Car nous dit-il, ce rite mis au point en quelques décennies à Lyon « a mis en relation et en harmonie des traditions maçonniques, des enseignements théosophiques, et des pratiques rituelles qui en font fait l’une des productions parmi les plus élaborées, les plus riches et les plus subtiles de toute l’histoire de la franc-maçonnerie du Siècle des Lumières. » On retiendra le nom des trois pères fondateurs du RER, Martinès de Pasqually, dont on sait peu de choses, Jean-Baptiste Willermoz, négociant en soieries et Louis-Claude de Saint-Martin le « philosophe inconnu. » Chacun d’eux apportant sa « pâte » à un système empreint d’illuminisme et de légende templière. Ceci posé, beaucoup de zones d’ombres entourent encore le RER, un rite peu compris de ses contemporains, voire marginalisé, allant même jusqu’à disparaître au début du XIXe siècle, pour renaître par la suite. C’est donc avec toute la rigueur du chercheur que l’auteur nous livre le fruit de son travail d’investigation mettant en avant toute la richesse symbolique, et la dimension éthique et spirituelle du RER. 

Bande dessinée
Et Dieu dans tout ça ?
En quête de spiritualité
Texte : Olivier Oltramare et Hervé Loiselet
Dessin : Violette Vaïsse
Éditions La Boîte à Bulles
184 pages – 24 €

Belle découverte que cette bande dessinée mettant en scène deux personnages, Hervé et Olivier s’interrogeant sur la notion de spiritualité et qui de rencontre en rencontre tentent d’obtenir des réponses à leurs questionnements. D’ailleurs, que veut-on dire par spiritualité ? Une ouverture à l’autre, au-delà des dogmes, une quête du sens de la vie en dépassant les contingences matérielles, l’amour universel et l’étude de l’invisible… Les réponses foisonnent alors que d’autres questions surgissent : comment découvrons-nous la spiritualité ? Quelle place lui donner aujourd’hui ? Comment délimiter le profane et le sacré ? Et la mort ? Il faut bien en parler aussi. Dans leur cheminement qui prend l’allure d’une enquête, Hervé et Olivier croisent la route d’un rabbin, d’un pasteur, d’un soufi, de journalistes, d’auteurs, et bien d’autres encore, chacun apportant sa vision, sans jamais partir dans la confrontation. La franc-maçonnerie n’est pas oubliée, elle est même en bonne place. On voyage, le légendaire venant soutenir le propos. L’air de rien, avec même une certaine légèreté, renforcée par un graphisme haut en couleur, cette BD touche à l’essentiel. 

Et aussi…
Les francs-maçons des Deux-Sèvres sous l’Occupation 1939-1945
De Jean-Claude Giraud
Éditeur : Vincent Peignon

En quête du Mystère par-delà impasses et fantasmes
N° 10 des Cahiers de l’Alliance
Revue d’études et de recherche maçonniques de la GLAMF
Éditions Numérilivre

L’arche royale, l’esprit d’un rite
N° 121 des Cahiers Villard de Honnecourt
Revue de la GLNF

Pourquoi et comment apprendre les rituels ?
De François Bénétin
Éditions Dervy

 

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