Elles annoncent les vrais beaux jours à la fin du printemps, ponctuant joliment les vergers de plusieurs nuances de rouge et rallient tous les suffrages des gourmands. Et pourtant, elles sont ambiguës sur bien des points.
Originaires d’Asie Mineure, on ne sait pas exactement comment elles sont arrivées en Europe ni à quelle date. Raison pour laquelle plusieurs peuples en ont revendiqué la découverte, notamment les Romains qui prétendaient que c’est le général Lucullus qui les aurait rapportées après la bataille contre Mithridate. Même si ce n’est pas faux, des textes plus anciens prouvent qu’elles étaient déjà connues en Grèce et en Italie et d’ailleurs, on a retrouvé des noyaux datant du néolithique. De ce flou est née là la jolie légende qui raconte que ce sont les oiseaux — qui en sont friands — qui en ont semé des noyaux çà et là. Toujours est-il qu’en France, c’est au Moyen-Âge que s’est développée sa culture. Louis XV et Napoléon les adoraient. De la famille des Rosacées, nos cerisiers proviennent de deux variétés sauvages, le prunus avium pour les cerises douces (merises, bigarreaux, guignes) et le prunus cerasus pour les cerises acides (griottes).
Une symbolique joyeuse teintée d’amour…
En Asie, ce sont les cerisiers — plus que les cerises — qui sont vénérés, à cause de leurs fleurs dont la floraison coïncide avec l’équinoxe de printemps et qui symbolisent pureté et prospérité. Ce sont d’ailleurs des variétés spéciales d’arbres à fleurs.
Elles symbolisent aussi la gaieté et l’amour, comme le démontre la célèbre chanson Cerisier rose et pommier blanc chantée par André Claveau (musique de Louiguy, paroles de Mack David et Jacques Larue). Pour l’anecdote, c’est pourtant le contraire, le cerisier ayant des fleurs blanches et le pommier des fleurs roses et c’est pour la rime que les auteurs ont inversée. Et il y a bien sûr l’encore plus fameuse chanson Le temps des cerises écrite par Jean-Baptiste Clément (musique d’Antoine Renard) peu avant la Commune de Paris, qui devint une chanson révolutionnaire d’espoir. Espoir en littérature également avec La cerisaie de Tchékov, pièce dans laquelle une famille dont la propriété comporte un verger de cerisiers réputé risquant d’être détruit pour cause d’infortune sera finalement sauvé après bien des péripéties. Pour les premiers chrétiens enfin, la couleur rouge des cerises évoquait le sang du Christ versé sur la Croix, ce qui expliquerait qu’elles soient très présentes dans les représentations picturales de la Cène. En revanche, dans les pays nordiques et slaves, le cerisier est considéré comme un arbre maléfique où se cachent les démons. Ce côté néfaste se retrouve aussi dans notre vocabulaire avec des expressions comme « Quelle guigne ! », « Avoir la guigne », « Avoir la cerise », « Porter la guigne », « S’en soucier comme d’une guigne ».
Cerise sur le gâteau : en cuisine
Les meilleures cerises de bouche sont douces et sucrées. Les variétés les plus cultivées sont les bigarreaux. La merise sert à préparer le kirch ou le cherry. Les griottes servent essentiellement à la confection des sirops et des cerises à l’eau-de-vie. Mais pour en préparer à la maison, il faut préférer les variétés acidulées comme les cerises anglaises ou les cerises de Montmorency. Est également réputée la confiture de cerises noires d’Itxassou au Pays basque, que l’on déguste avec le fromage de brebis et dont on fourre le traditionnel gâteau basque. Mais c’est le clafoutis la recette la plus emblématique de la cerise (en conservant impérativement les noyaux aux cerises). Il est d’ailleurs tout à fait impropre de parler de clafoutis pour un autre fruit. En effet, il s’agit d’un dessert du Limousin où le mot clafoutis vient de clafir ou claufir signifiant « fixer avec des clous » (du latin clavere). En somme le clafoutis est un flan clouté de cerises et c’est donc un pléonasme de préciser clafoutis aux cerises !