À l’initiative d’un collectif de loges du Grand Orient de France s’est tenue samedi 2 décembre 2023 une réunion publique sur le thème « L’affaissement démocratique n’est pas une fatalité. »
Même si le titre de la conférence a posé question, comme cela a été souligné en préambule, l’état d’esprit se voulait résolument volontariste. « C’est le relâchement du lien entre les citoyens et les élus qui a été évoqué comme caractéristique visible de l’affaissement démocratique plus qu’un désintérêt pour la vie de la cité » a constaté Christophe Danneels, exposant en introduction de l’événement la synthèse produite par les sept loges organisatrices. « Mais, le risque est réel que notre démocratie s’autodétruise en mettant au pouvoir démocratiquement des hommes et des femmes qui n’en porteraient pas intrinsèquement les valeurs. » Et d’ajouter « La démocratie déçoit la société, elle n’est plus symbole d’espérance ni vectrice de progrès social. »
Face à ce constat, réunis autour de David Médioni, journaliste à Franc-Tireur, le philosophe Michaël Foëssel, la politologue Chloé Morin, l’essayiste Raphaël Llorca et le journaliste Thomas Legrand ont cherché à saisir les causes de cet affaissement pour en proposer des remèdes.
Michaël Foëssel a mis en avant le préjugé de faiblesse qui pèse sur la démocratie. « Elle est devenue suspecte d’être le régime de l’impuissance, car la délibération publique, le conflit apparaissent comme un obstacle à l’efficacité. Les institutions présidentialistes de la Ve république mettent en œuvre l’idée que la volonté d’un seul est toujours plus sûre de l’emporter en termes d’efficacité sur la pluralité et la discussion. Contrairement aux préjugés, en démocratie il est impossible que la majorité d’une grande assemblée se mette d’accord sur une seule et même absurdité. Il y a un effet de neutralisation par le débat. En revanche, lorsqu’un seul individu gouverne, alors une seule absurdité peut très vite l’emporter dans les opinions. Je citerai au hasard le grand remplacement ou alors l’idée selon laquelle pour qu’il y ait plus de travail en France, il faut rallonger l’âge de départ à la retraite. »
Raphaël Llorca a quant à lui pointé du doigt le piège de la métaphore de l’archipel, utilisée pour décrire la fragmentation de la société française : « Victime de son succès, la formule a échappé à son créateur : d’une photographie, elle s’est muée en prophétie, passant d’un constat étayé à un sombre déterminisme, comme si la société française était condamnée à voir ses îles s’écarter irrémédiablement les unes des autres. » L’exercice de la démocratie suppose de s’appuyer sur des citoyens éclairés, un point repris par Chloé Morin qui a insisté sur la notion de citoyenneté. « Elle définit une manière d’être en société, une relation avec l’état articulée autour de droits, mais aussi de devoirs, ce qui distingue le citoyen du consommateur. La citoyenneté s’acquiert, se construit, s’entretient. Or les lieux d’apprentissage de la démocratie sont peu à peu démantelés. » La presse n’est pas épargnée. « Seule la diversité de la presse peut dans son ensemble proposer un éclairage et former l’opinion des citoyens », a affirmé Thomas Legrand, ajoutant « Les chaînes d’information en continu diffusent en boucle une seule et même information et la surdimensionne. Cette mécanique polarise l’opinion et abîme la démocratie. » Des positions qui ont amené beaucoup de réactions et de questions de la part des auditeurs venus en grand nombre assister à ce débat, preuve s’il en est que la fatalité n’était pas au programme du jour. HC