De nombreuses recettes incorporent des légumes taillés, chaque style de découpe portant un nom particulier, les légumes aimant bien jouer à coupe-coupe : julienne, brunoise, mirepoix, paysanne, selon l’usage escompté. Ce sont des tailles qui servent surtout à préparer des fonds de sauces. Mais quid de la macédoine qui est quant à elle une recette à part entière qui, en plus de la taille, implique également la notion de mélange, de diversité.
En cuisine, on appelle macédoine un mélange de différents légumes coupés en dés d’environ 0,5 cm de côté (entre brunoise et mirepoix). Toutefois pour les macédoines en boîte, la réglementation impose une taille et une composition très strictes. En boîte, l’appellation « macédoine de légumes » correspond à un mélange de haricots verts, petits pois, flageolets verts, carottes et navets dont 35 % au moins de légumes verts. Si le mot extra est ajouté (macédoine extra), cette proportion doit passer à 50 %. Si les pourcentages ne sont pas atteints, ce n’est plus une macédoine, mais une jardinière. Et lorsque des flageolets blancs entrent dans la composition (ce qui est autorisé), ils ne sont pas inclus dans les légumes verts.
La macédoine se sert presque toujours froide, mélangée à une mayonnaise. Alors dressée dans des tranches de jambon roulées en cornets, elle fit les délices d’une entrée bourgeoise fréquemment servie dans les années cinquante : les cornets d’abondance. Toujours mêlée de mayonnaise, on peut aussi la servir dans des tomates creusées en paniers. Dans les bistrots, elle escorte souvent les œufs mayonnaise. Enfin, quand elle s’enrichit de cornichons, d’œufs durs, de langue, de poulet, voire de homard et d’autres ingrédients plus ou moins hétéroclites, elle devient alors « salade russe », ce qui ne fait qu’accentuer cet embrouillamini culinaire !
Un nom de baptême pour le moins guerrier !
En effet, ainsi baptisée à la fin du XIXe siècle, la macédoine de légumes doit son nom à la région historique éponyme de la péninsule des Balkans. Région que plusieurs peuples se sont disputés au cours des siècles, notamment les Bulgares, les Serbes, les Byzantins (Grecs), les Ottomans (Turcs), les Albanais, et qui fut le théâtre de nombreuses guerres. Aujourd’hui, l’antique Macédoine est constituée de petits morceaux épars des pays avoisinants et se partage entre Bulgarie, Grèce et ex-Yougoslavie. Or, c’est par allusion à cette diversité qu’on a donné le nom de macédoine à la mosaïque de légumes printaniers la composant. Mais il est amusant de noter qu’en Italie, en Serbie et en Bulgarie, on l’appelle « salade russe » — nom qu’elle avait aussi chez nous avant qu’on la rebaptise macédoine — alors que dans les Balkans, on la nomme « salade française » et en Roumanie et en Moldavie… « salade orientale » ! Un vrai melting pot dont les intitulés racontent assez bien qu’à cause des divergences politiques et des ambitions mégalomanes, la supposée fraternité des peuples est un combat qui floute les frontières et n’en finit jamais. Préférons donc retenir que la diversité d’ethnies, de couleurs de peaux, de langues, d’origines sociales et de talents est plutôt source d’enrichissements que causes de combats en franc-maçonnerie. Une tolérance qui ne correspond pas seulement à l’idée d’un puzzle harmonieux… jusqu’au prochain dérapage, mais à une véritable fraternité.