L’« Ordre des pauvres chevaliers du Christ » – dit aussi « du Temple » en raison de son installation à côté des vestiges du Temple de Salomon à Jérusalem – a été l’un des plus prestigieux ordres de chevalerie du Moyen Âge. Mais, en 1314, il a été supprimé par le Pape Clément V, persécuté par le roi de France Philippe le Bel et interdit par la plupart des souverains européens. Il a alors disparu. Mais, depuis le XVIIIe siècle et jusqu’à nos jours, certains considèrent que la franc-maçonnerie est à l’origine une continuation secrète de l’Ordre médiéval des Templiers. Cette idée, dont on trouve les premiers témoignages autour des années 1740, a suscité une abondante littérature et est aujourd’hui encore un thème de best-seller comme The Temple and the Lodge (1989) de Michaël Baigent et Richard Leigh ou The Hiram Key (1996) de Christopher Knight et Robert Lomas. D’ailleurs, à l’intérieur même de l’Ordre maçonnique des grades, des cérémonies et des enseignements font référence aux Templiers. En effet, selon cette théorie de la « survivance », pour échapper aux persécutions dont ils étaient l’objet, des Templiers se seraient réfugiés dans la lointaine Écosse. Pour passer inaperçus, ils y auraient rejoint la confrérie des maçons dont les usages traditionnellement secrets offraient une bonne protection. Réfugié dans ce petit royaume du Nord, l’Ordre du Temple aurait alors survécu dans la fraternité maçonnique pendant près de quatre siècles. De plus, si les Templiers avaient été condamnés par le Pape, cela aurait été en raison des connaissances ésotériques et hérétiques acquises lors de leurs séjours en Orient. Enfin, tout n’avait été possible qu’avec la protection bienveillante des souverains écossais et cela expliquait le soutien indéfectible de l’Ordre à la dynastie des Stuarts. L’histoire est belle… mais aucun document ou témoignage ne permettent de l’étayer ! Si l’on s’en tient aux méthodes classiques de la démarche historique, il n’y a rigoureusement aucun élément qui puisse laisser penser que l’Ordre du Temple ait survécu d’une manière ou d’une autre. De même, l’accusation d’hérésie n’est à l’époque qu’un procédé classique des procès où l’accusé est condamné d’avance. Aussi, étudier les liens entre la franc-maçonnerie et les Templiers, c’est avant tout faire l’histoire d’une légende.
Des chevaliers aux Templiers
Dès 1723, les Constitutions d'Anderson proposent un premier rapprochement entre chevalerie et franc-maçonnerie, on y lit en effet : « Les Ordres de Chevalerie Militaire & Religieuse ont emprunté dans la suite des temps plusieurs usages ou pratiques solennels de la vénérable Fraternité ». Avec ce court paragraphe, Anderson établit, au cœur même du texte fondateur de la Maçonnerie spéculative, une relation, présentée comme certaine, entre Maçonnerie et chevalerie. De surcroît, par cette formule qui en dit peu mais laisse