Progredior, en latin, veut dire « je m’avance », et « progressus » recouvre l’avancée elle-même. Le progrès se dit de deux processus différents. D’une part, un passage du moins vers le plus, soit par une avancée spatiale soit par un développement quantitatif. D’autre part, une évolution du moins bien vers le mieux, avec généralement une connotation qualitative d’amélioration. Dans le premier sens, on parle du progrès de la production céréalière, mais aussi du progrès de l’incendie dans la forêt ou de la maladie dans un organisme vivant. Dans le deuxième sens, on évoque le progrès des droits humains et celui de la condition de la femme. Le développement quantitatif n’est pas forcément une amélioration qualitative. D’où la disjonction des deux acceptions. Parler du développement de la production des biens et des richesses est une chose. Evoquer les avancées des droits de l’homme ou du progrès social en est une autre. Un progrès quantitatif des armements et des industries polluantes n’est certainement pas une amélioration qualitative de la condition humaine. Deux notions fort différentes, de sens presque opposés, sont alors à penser sous le terme de progrès. Le contexte actuel y invite. L’hypertrophie du productivisme et du gaspillage s’y conjugue avec de nouvelles figures de la pauvreté voire de la misère ainsi qu’avec des menaces aggravées sur les écosystèmes de la Terre. D’où la nécessité de mettre à l’épreuve l’idée de progrès, non pour l’invalider abstraitement, mais pour en penser les exigences au-delà des fausses évidences. Il s’agit de fonder une approche lucide des évolutions en cours. Celles-ci contrastent en effet avec l’illusion longtemps cultivée d’un progrès linéaire de la condition humaine.
La notion de progrès : une question vive
Les guerres récentes, les catastrophes écologiques, les crises économiques et sociales, entre autres, nous ont appris que la croissance quantitative des biens et des richesses, malgré les apparences, n’implique pas automatiquement une amélioration qualitative. La religion de la croissance comme fin en soi ne doit-elle pas être remise en question ? La persistance, voire l’accroissement des inégalités, montre de surcroît qu’il serait abstrait de parler de progrès en général, sans préciser qui en profite ou non. La q