Culture

De l’abîme au château

Photographie prise lors de la représentation de la pièce de Breton et Aragon, Le Trésor des jésuites, à Prague en 1935, mise en scène par Jindřich Štyrský

Lorsque, l’été dernier, se tint à Saint-Cirq-Lapopie, l’exposition « À flanc d’abîme : surréalisme et alchimie*», une étroite collaboration s’était opérée entre ses commissaires, notamment Yoan Armand Gil, et le musée de la franc-maçonnerie à Paris. Promesse fut faite qu’elle s’y prolongerait, tenue aujourd’hui avec « Le château étoilé et la parole perdue : surréalisme et franc-maçonnerie » du 25 avril au 22 septembre 2024 au musée, rue Cadet. Pierre Mollier, son conservateur, nous explique comment certains surréalistes se dirigèrent vers la franc-maçonnerie et ses diverses obédiences.

Cette exposition montre l’aspect maçonnique du milieu qui gravita autour d’André Breton, « le père du surréalisme ». Un sujet qui, initialement, pouvait sembler anecdotique, mais qui a révélé, nous confie Pierre Mollier, qu’en fait, plus il était exploré, plus on se rendait compte qu’il était conséquent et pouvait être abordé sous plusieurs déclinaisons. Ainsi se détache une première période avec l’exemple de Pierre Mabille (1904-1952), professeur à l’École d’anthropologie, membre du groupe surréaliste en 1934. Le 27 mai 1945, il est « réintégré » Apprenti, Compagnon puis Maître le 1er juin, par la Loge Marie-Georges Martin n° 55, du Droit Humain. Le mystère demeure de savoir où il a pu être initié avant-guerre. Il atteindra le 31e degré en 1952. Parmi de nombreuses recherches, il formalisera, entre autres, un test psychologique comportemental, le « test du village », une réalisation filmée par Jean Raine que l’on peut voir dans l’exposition. Tout comme, aujourd’hui introuvable, cette sorte de jeu de construction en bois répliquée par Yoan Armand Gil. Après la Seconde Guerre mondiale, le surréalisme perd de son aura. Une série de jeunes auteurs, poètes, artistes restés en arrière-plan, tentent de le relancer tout en se tournant vers l’Art Royal. Pour la plupart, ils intègrent, entre 1956 et 1964, la Loge Thebah n° 347 de la Grande Loge de France qui devient « la loge surréaliste » par excellence jusqu’à ce qu’elle soit bouleversée par une grave crise interne. Une partie des Frères dont Jean Palou rejoindra la Grande Loge Nationale Française. En 1959, elle était animée par le docteur Hunwald, initié le 26 avril 1956, qui mourra à son plateau de Surveillant le 30 janvier 1961. Vers 1958, il avait créé le Cercle Hermès avec l’ami intime d’André Breton, René Alleau qu’il fit entrer en franc-maçonnerie parmi tant d’autres, dont Guy-René Doumayrou ou Bernard Roger et leur notable monde utopique. Pour y pénétrer, Marie-Dominique Massoni, elle-même artiste, très active à la Grande Loge Féminine de France, nous dévoile les « demeures philosophales et les architectures utopistes ». Les « marges, alentours et croisements » du surréalisme et de la franc-maçonnerie sont scrutés non seulement en France, mais également à l’étranger. Pour exemples, Endre Rozsda (1913-1999) hongrois, peintre, dessinateur et photographe ; le tchèque Martin Stejskal (1944, Prague) ; ou encore la britannique Ithell Colqhoum (1906-1988), « Frère » d’une obédience maçonnique « mixte dans tous ses grades », l’Ancient Free and Accepted Masonry for Men and Women, une dissidence du Droit Humain britannique, à Londres. Son œuvre peu connue de son vivant connaît un regain d’intérêt grâce à la Tate Gallery qui regroupe toutes ses créations.
L’exposition est une opportunité inédite de découvrir les aléas qu’ont pu connaître les deux groupes à travers leurs trajectoires mouvementées, leurs interconnections, étudiées par nos contemporains comme, par exemple, David Nadeau, Patrick Lepetit ou Jean-Pierre Lassalle. Pour reprendre l’adjectif inventé par l’utopiste Charles Fourier, cet événement constitue un guide vraiment « attractionnel » pour atteindre « Le château étoilé ».

*Voir Franc-maçonnerie magazine, n° 92 (mai-juin 2023), p.54-55.

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